La mère de Maude est revenue dans un nuage de fumée blanche. La cigarette appartenait à sa fille. Elle en fumait depuis sa disparition.
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Bien sûr, j’étais en avance. Très près de l’interphone, ma voix sentait l’haleine.
— C’est Misère Balkaï, on s’est parlé au téléphone.
Et la mère de la fille disparue m’a ouvert.
— Seizième étage. L’ascenseur est en panne.
De l’autre côté de la porte du hall il y avait une autre série de portes fendues et mille rangées de boîtes aux lettres identiques. Des adolescents en survêtement étaient assis sur les marches d’escalier autour de la cabine d’ascenseur et ils crachaient par terre. Ça sentait la drogue mal coupée, la sueur synthétique et la pornographie. Ils se prêtaient leurs téléphones en les faisant circuler de mains en mains et ils se sont écartés des marches pour me laisser passer. L’un d’entre eux a regardé mes seins lourds comme on regarde un insecte prisonnier dans sa main avant qu’il ne s’envole et, seize étages plus haut, à bout de souffle, le cœur dans la mâchoire, je me suis retrouvée à frapper à la porte 8-C d’une certaine femme aux yeux désespérés. La mère de la fille disparue avait des rides aux coins des paupières et des lèvres gercées. J’ai vite compris, à cause de ses pupilles, qu’elle ne s’attendait pas à découvrir une femme de ma taille et de ma corpulence. Sans doute avait-elle imaginé une femme petite et maigre, emmitouflée sous des couches de vêtements en peau, des nattes pendantes de part et d’autre du visage et des yeux vaporeux ; bref, le portrait type d’une chamane chez ceux qui ne savent pas ce que recouvre exactement ce mot. En réalité j’étais grande, rectangulaire, des cheveux courts très gris et des yeux turcs, presque bridés. Je me suis essuyé la sueur de la nuque avec ma manche. Elle a hésité avant de me laisser entrer. Elle n’avait pas de quoi payer et, de toute façon, elle ne croyait pas à mes histoires d’infra-monde, m’a-t-elle dit.