Commençons par le positif. J'ai beaucoup aimé l'univers. Cette ambiance de conte, avec une enfant que l'on musèle, les éclairs et les tempêtes d'une mère, les papillons mortifères s'échappant d'une bouche, écho plus élaboré des Fées... On y retrouve toute la cruauté des contes et un de ces parents défaillants, de celles et ceux qui pourraient aussi bien abandonner leur progéniture dans la forêt.
L'autrice nous plonge dans une histoire de famille sombre, remplie de secrets, de ressentiments, d'injustice, une intrigue qui pourrait sembler classique, mais elle se l'approprie totalement et propose un univers si fascinant que le tout semble nouveau. C'est dur parfois, mais il y a également une grande mélancolie ainsi qu'une forme de douceur avec ces théières enchantées et ces thés aux propriétés stupéfiantes. Un contraste des plus intéressants, entre pesanteur et délicatesse.
Je n'oublie pas toute la poésie injectée dans ce roman. En effet, l'écriture est sublime et fait ressortir la musicalité de la langue et la beauté des mots. La plume de
Chris Vuklisevic est envoûtante et j'ai particulièrement apprécié un passage en miroir, un dialogue muet entre les deux soeurs, un choix approprié, très réussi et bouleversant.
Mais la belle plume n'a pas tout à fait suffi pour faire vivre les personnages. Si Egonia m'a véritablement touchée, si Marine m'a énormément plu, la plupart ont manqué de consistance à mes yeux. Je n'ai pas été convaincue par les portraits, par les protagonistes, par toutes ces femmes croisées dans le roman, par leurs « raisons » d'être et d'agir telles qu'elles le font.
De plus, dès le commencement, ma lecture a été laborieuse. Sans identifier réellement le problème, je n'arrivais pas à rentrer dans l'histoire. Ou plutôt, je ne cessais d'en ressortir. Certes, la temporalité était quelque peu enchevêtrée, passant du présent à différentes époques passées, mais ça n'avait jamais été un problème jusqu'à présent. La cause réside probablement dans la narration elle-même. Tout d'abord, elle conserve tout du long quelque chose de décousu. Ensuite, le récit nous est raconté par quelqu'un (dont on ignore tout au début) qui va fréquemment interrompre son histoire pour interpeller son interlocuteur-lecteur et ainsi briser le quatrième mur. Et je crois que ce sont ces interruptions, ces changements de points de vue qui nous éloignant de Félicité et d'Egonia, ces « je » et de ces « tu », ces touches d'humour un peu ratées, ces familiarité entre lui et moi alors que je ne m'intéressais qu'aux soeurs, bref, ces apartés qui m'empêchaient de simplement m'immerger dans l'intrigue.
Si l'autrice injecte sa patte unique dans cette histoire de famille, en revanche, le récit m'a semblé traîné en longueur – je l'avoue, le passage dans le désert m'a laissée dubitative – et la fin est un peu fade (oserais-je admettre que j'ai dû feuilleter les dernières pages pour me les remémorer alors que je l'ai lu à peine un mois avant d'écrire cette chronique ?). Était-ce encore une fois dû à la narration, je l'ignore, mais elle est tombée un peu à plat…
Cette incapacité à vivre l'histoire, à y rester, ces interrogations permanentes sur le pourquoi du comment ont véritablement nui à l'expérience. En dépit des qualités de ce roman, je doute d'en garder un souvenir très percutant tant ma lecture, hachée, a manqué de fluidité.
On m'a recommandé la version audio et le talent de la lectrice
Clotilde Seille, peut-être retenterai-je un jour sous cette forme.
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