(...) puisque ce n'était qu'en prenant les risques et en exposant les vulnérabilités indispensables à l'approfondissement de relation de soutien qu'un individu pouvait découvrir quelles amitiés étaient susceptibles de combler ses besoins et dans quelle mesure.
Aucun traitement n'avait fourni le moindre soulagement notable à la douleur et aux sentiments d'isolement affectif qui faisaient de chaque heure de veille du sujet dépressif un cauchemar indescriptible ; plusieurs avaient même déclenché des effets secondaires qu'elle avait jugés intolérables.
« Est-ce que ça existe, une caresse intellectuelle ? »
Le sujet dépressif savait bien sûr parfaitement, assurait-elle à la thérapeute, combien ce besoin d'être rassurée pourrait sembler pathétique à un tiers (...)
(...) lorsqu'elle leur téléphonait, elle commençait toujours par s'excuser de peut-être les déprimer, de leur paraître ennuyeuse, apitoyée sur son sort ou rebutante ou encore de les arracher à la vie active, pétillante et sans douleur qu'elles menaient à l'autre bout du pays.
Les tongs de Faye couinent et claquent.
« Tes chaussures font les mêmes bruits que le sexe », dit Julie.
Julie et Faye sont allongées sur le lit, en amantes. Chacune admire le corps de l'autre. Elles se plaignent de la brièveté de la nuit. Elles examinent encore et encore, avec une sorte d'enthousiasme triste, les petites ignorances qui, d'après Julie, tracent toujours le chemin qui mène à une connexion réelle entre les personnes. Faye dit que Julie lui plaisait déjà bien avant d'apprendre qu'elle plaisait à Julie.
Elles vont ensemble examiner dans le dictionnaire la définition du mot « plaire ».
« Merv estime que cette force, Mesdames, Messieurs, est la capacité des faits de transcender leurs propres limites factuelles et de devenir, en et par eux-mêmes, des signifiants, des émotions. Cette fille ne se contente pas de mettre une claque aux faits. Elle transforme le futile en important. Elle le rend humain, elle en fait quelque chose qui a le pouvoir d'émouvoir, d'évoquer, de provoquer, de purifier. Elle donne au jeu le mystère et la transparence simultanés que nous recherchons à tâtons depuis des décennies. Une forme de fusion de la tête, du cœur, des tripes et du doigt buzzeur compétitionnels. Elle est, ou elle peut devenir, le jeu télévisé incarné. Elle est mystère. »
« Je pense que c'est une de ces lesbiennes politiques. Vous voyez le genre ? Le genre en colère ? Elle regarde les hommes comme si c'étaient des taches disgracieuses dans l'air. »
Le sujet dépressif avait confié à la thérapeute que ce dont elle avait vraiment soif, ce sur quoi elle fantasmait vraiment au fond, c'était de pouvoir vraiment, effectivement, littéralement le (c.-à-d. le tourment incessant de la dépression) « partager ». Elle avait expliqué qu'elle percevait la dépression comme logée au centre d'elle-même, comme une part incontournable de son identité, et qu'être incapable de décrire les sensations intimes liées à la dépression ou même de réellement décrire ce qu'elle sentait, ce qu'elle ressentait, était comme d'éprouver en vain un besoin désespéré, comme si décrire le soleil dans le ciel était une question de vie ou de mort et qu'il ne lui était pourtant possible et permis que de montrer des ombres par terre. Elle était tellement, tellement fatiguée de montrer des ombres, avait-elle sangloté.