Citations sur Bois sauvage (48)
Terrible. Le vent cogne dans tous les sens, il fait claquer mille fouets et mille ceintures. La pluie brûle comme une pluie de cailloux qui s'enfonce dans les yeux si on les ferme pas. L'eau tourbillonne et se ramasse et explose noire avec des filets rouges, c'est l'argile de la Fosse, une blessure qui arrête pas de couler. (p. 276)
Papa attrape l'enveloppe qu'il a prise quand l'arbre a défoncé le toit de sa chambre. Un sachet en plastique, transparent. Il l'ouvre et sort quelques photos. Dans une seconde, Skeeter va refermer la trappe, papa hésite à mettre son doigt sur le papier glacé, avec plein de précautions comme on fait avant d'arracher un cil. Son doigt mouillé s'arrête à un centimètre, il remet la photo dans le sachet sous sa ceinture. "Maman" (p. 274)
Randall allume la lampe sur la petite table pour lire les étiquettes sur les médicaments. Il est grand, il est noir, tout en muscles, des fois je me demande si papa s'étonne pas d'avoir fait cette belle machine de mec avec maman. Il trouve pas ça incroyable ? Alors je repense à Manny, presque aussi rayonnant que China dans la clairière, qu'est-ce qu'on aura fait, lui et moi ? Un grand lingot d'or comme lui, une petite boule noire comme moi, ou quelque chose qui nous dépasse ? (p . 218)
Mais j'entends que les qui se disent de se taire, les chênes qui se froissent, les grandes feuilles dures des magnolias qui grelottent comme des assiettes en papier agitées par le vent. Les rafales annoncent Katrina là-bas dans le golfe, comme une voix grave qui parle dans le couloir avant d'entrer dans la chambre. (p. 195)
Miss Dedeaux nous a dit qu'avant, cette école-là était seulement pour les Noirs, jusqu'à l'abolition de la ségrégation. C'était juste après le dernier gros ouragan*, en 1969, les gens étaient trop épuisés pour aller chercher les corps de leurs parents, parce qu'ensuite il faudrait les enterrer une deuxième fois. Ils dormaient n'importe où, les gens, dans les fondations puisqu'ils avaient plus de maison au-dessus, ou sous la tente, et ils faisaient des kilomètres à pied ou à vélo pour trouver de l'eau et à manger, alors par-dessus ça, ils allaient pas lutter contre la fin de la ségrégation. (p. 174)
*Ouragan Camille, mi-août 1969, 259 morts, 9000 blessés.
C'est pas qu'il est gros, mais tout est plus grand chez lui. Ses mains comme des gants de base-ball, sa tête comme un melon, sa poitrine qui ressemble à un steel-drum qu'on pourrait faire des barbecues dedans, ses jambes qui partent comme les branches d'un tronc qu'on sciera jamais. (p. 152)
Mon ventre vit sa vie, comme un animal que je connais pas,...(p. 137)
Il la construit, sa maison pour les chiens. De temps en temps, il regarde China, au cas où elle serait pas bien. Il sait ce que c'est, aimer. (p. 130)
Une peluche, toute chaude, avec un cœur qui bat. "Tss!", et elle fiche le camp en ouvrant les ailes, un oreiller qui vole. (p. 98)
Skeet détache ses bras qui font des moulinets, et il parle fort, il ressemble aux pétards qu'on allume le 4-Juillet, qui rebondissent partout dans la cour et lancent des étincelles tant que l'acide a pas tout brûlé dedans. (p. 95)