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EAN : 9782371640436
192 pages
Editions du Quotidien (03/08/2015)
4/5   3 notes
Résumé :
La Région Fortifiée de Verdun, de l'autre côté de ces premières hauteurs que la pluie arrosait sans cesse, entrait paisiblement dans ses nuits de veille, ignorante des préparatifs gigantesques que nous avions sous les yeux. La nuit, c'était le grand mouvement silencieux des trains et des marches ; c'était le moment où les canons se mettaient en place et où les réseaux ferrés allongeaient leur toile d'araignée. Le jour, on creusait, on creusait sans arrêt. La mort vi... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le premier jour du reste de la guerre est le 21 février 1916, début de l'offensive allemande sur Verdun. En 300 jours, 350 000 soldats français ou allemands meurent sur une surface de 60 km2. 60 millions de projectiles utilisés. 82 divisions françaises engagées, soit 1,4 millions de soldats dont un sur trois y sera blessé ou tué. C'est la première bataille « industrielle » de l'histoire.

Le 21 février 1916, à presque un contre dix, les poilus des 56e et 59e bataillons de chasseurs résistent plus de 24 heures au bois des Caures, permettant aux renforts d'arriver et de maintenir la ligne de front. le lendemain, après avoir donné l'ordre de repli face aux grenades et aux lance-flammes allemands, le Lieutenant-colonel Emile Driant est atteint à la tempe et meurt, à soixante ans.

Son dossier conservé au Service historique de la Défense sous la cote GR 6 YF 50295, précise « Député, rapporteur de la loi portant création de la Croix de guerre au printemps 1915, le lieutenant-colonel Émile Driant pressent l'offensive allemande sur Verdun et multiplie les alertes auprès des hautes instances politiques et militaires contre le manque de moyens humains et matériels. Les conditions stratégiques liées à la préparation de la bataille de la Somme, et tactiques, les membres de l'état-major ne croient plus en ces monstres immobiles, feront qu'il ne sera pas entendu. »

Miliaire de carrière, gendre du Général Boulanger, Emile Driant démissionne de l'armée en 1905, après quinze jours d'arrêt pour avoir organisé un office en la cathédrale de Troyes à l'occasion de la fête de Sidi-Brahim. Elu député de Nancy en 1910, il s'insurge contre le déclassement des forts. Dès la mobilisation, il sollicite et obtient sa réintégration dans l'armée et est affecté à Verdun fin 1914.

Ecrivain sous le nom de « Capitaine Danrit », Emile Driant est le « Jules Verne militaire » comme l'illustrent les titres de ses romans : La guerre de demain, La guerre de forteresse, La guerre en rase campagne, La guerre souterraine, L'invasion noire, Robinsons sous-marins, L'aviateur du Pacifique, etc. le Capitaine Danrit est, avec Louis Boussenard et Paul d'Ivoi l'un des principaux auteurs du Journal des voyages. Il se consacre aussi à l'histoire dans sa trilogie destinée à la jeunesse : Histoire d'une famille de soldats (Jean Taupin en 1898, Filleuls de Napoléon en 1900, Petit Marsouin en 1901). Ses ouvrages, illustrés le plus souvent par Paul de Sémant ou Georges Dutriac, sont souvent remis lors des distributions des prix en fin d'année scolaire.

François Weber rend hommage au Capitaine Danrit, au Colonel Driant et à ses chasseurs en incarnant un officier du 2e bureau, d'origine alsacienne et donc parfaitement bilingue, qui s'infiltre dans les préparatifs allemands de l'hiver 1915-1916 et rend compte à son retour de la menace pesant sur Verdun. La rencontre entre l'anonyme agent de renseignement, juif alsacien, et le colonel catholique nationaliste, donne lieu à quelques frictions et échanges savoureux mais permet aux bataillons de chasseurs d'anticiper l'orage qui se prépare et les foudroye.

Illustré de cartes et de photos ce roman est une initiation à la bataille de Verdun et un hommage à l'écrivain qui a prophétisé la guerre moderne avec ses armes de destruction massive, et s'est sacrifié à la tête de ses héroïques chasseurs.
Lien : https://www.driant.fr/
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En tournant la tête, je pus constater que Driant avait déjà quitté le trou d'obus et continuait tout droit, comme il faisait toujours, sans sembler craindre le feu, vers le sud, lui aussi dans la direction de Beaumont. Les balles fusaient, je ne pouvais pas me relever.


Il était déjà à plus de cinquante mètres de moi, de l'autre côté de la route, lorsqu'une balle le cueillit en pleine tête. Il s'effondra. Hors de moi à cette vue, je bondis hors de ma cachette et courus vers lui. Lorsque j'arrivai, je tombai à mon tour : une balle m'avait atteint dans le dos.


J'eus la malchance de ne pas mourir tout de suite. J’entendis les Allemands s'approcher de nous et désarmer les soldats qui se rendaient. Papin fut emmené, ainsi que Coisne et Hacquin, tapis dans un cratère à côté du lieutenant-colonel. Dans ma douleur qui éloignait toute réalité de ma conscience, je pus constater que les adversaires rendirent hommage à la dépouille du député et creusaient une fosse lorsque je fus emmené. Les Allemands, avec qui je pouvais encore converser dans leur langue, me parurent accueillir les prisonniers avec beaucoup d'égards. Cela étonnait mes camarades français, habitués à entendre parler de leur ennemi comme un monstre sanguinaire à qui il valait mieux ne pas se rendre. Pendant la marche qui nous ramenait vers Flabas, ils firent une halte en déposant ma civière. Le Père de Martimprey s'approcha de moi.


- Il est tombé, mon père, ai-je murmuré à bout de souffle, d'abord en platt puis en français par un effort suprême. Priez pour lui, priez pour moi.


Le prêtre acquiesça en silence, et me mit en main l'image que lui avait donnée Driant. Je la collai contre mon cœur. Les Allemands, qui voulaient repartir, nous laissèrent tout de même ces quelques instants et eurent la délicatesse de se tenir à quelques pas.


- Allons-nous gagner, mon père ? dis-je de ma voix presque éteinte.
- Seuls les saints gagnent, vous savez, me répondit-il en passant sa main dans mes cheveux, parce qu'eux seuls savent tout perdre.
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Personne ne voulait rester parce que s'enterrer n'est pas une fin en soi, mais personne ne voulait partir non plus. Ils avaient tous la juste impression d'avoir beaucoup donné, beaucoup payé : les premiers mois de la guerre avaient coûté très cher. Vous ne saurez jamais à quel point le monde a vacillé en quelques semaines, à quel point tout ce qui a précédé ces premiers mois du conflit est d'un autre âge, d'une autre civilisation. Tous pensaient du coup avoir un droit moral à la victoire finale. Se retirer, forcément, signifiait qu'on avait eu tort de commencer, qu'on aurait dû baisser pavillon tout de suite. Se retirer signifiait que tous les morts étaient tombés en vain. Comment voulez-vous expliquer à la population - que vous avez bien sûr assurée d'une victoire rapide — que vous avez eu tort de vous lancer dans un pareil conflit ? Comment pouvez-vous renier les affiches que vous avez posées partout et vos discours si fermes ? Comment pouvez-vous finalement donner raison à Jaurès ? Ou pire encore, au pape Benoît XV ? Alors vous plongez dans cette spirale, vous entraînez le pays avec vous, vous descendez dans le gouffre en laissant les jeunes vous précéder par milliers. Un jeune qui meurt, c'est un drame. Des milliers, tout le monde finit par s'en foutre.

Il est évidemment impossible de gagner une guerre en restant enterré. Il faut trouver un moyen de la terminer, d'embrasser cette victoire beaucoup trop chaste. Alors on planifie la Grande Offensive. Les Français et les Britanniques voulaient percer dans la Somme. Les Allemands aussi mettaient au point leur nouveau plan d'attaque, et personne ne savait où ils allaient frapper.
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À présent je suis du bon coté. Je ne bougerai plus.

Je fumais contre une carriole au bord d'un chemin à Vacherauville quand Driant sortit de son PC avec son secrétaire Hutin, son adjoint Petitcollot et quelques officiers. Je voulais qu'il me voie. Il me vit. Il me fit signe. Je m approchai.

- Vous êtes vraiment un Mosellan, me lança-t-il.
- C'est-à-dire ?
- Une tête de Holz. Qu'est-ce que vous foutez là, encore ?
-Je reste, mon colonel. C'est ma bataille.
- Imbécile, fit-il.
- Mon colonel, ai-je déclamé avec un peu d'emphase, est-ce que vous auriez pu ne pas vous réengager ? Vous auriez pu rester député et parler de la guerre à la Chambre en y mettant les pieds de temps en temps à l'occasion d'une inspection ?
- Votre argument est stupide, répondit-il en haussant les épaules pendant qu'un subalterne lui allumait sa cigarette. Vous avez mis tout ce temps à le construire dans votre tête, c'est cela ?
- Mon colonel, je ne réclame rien. Je reste. Loin de vous ou près de vous, c'est la seule chose que vous pouvez décider.
- Qu'est-ce que c'est que ces types qui n'obéissent à personne, qui n'ont aucune hiérarchie au-dessus d'eux ? dit un commandant à côté de Driant. Tout juste bons à se faire tirer dessus à la première minute d'une offensive, aucune utilité. Des héros, du panache, des artistes. Ils n'ont rien à faire dans cette guerre qui se livre sur du papier, qui demande avant tout de l'organisation et de la discipline.
- Vous voulez dire qu'il ferait un bon chasseur ? demanda Driant en se tournant joyeusement vers lui.
- Mon colonel, répondit l'officier en riant, c'est exactement ce que je veux dire.
- Vous êtes adopté, j'ai l'impression, me dit le lieutenant colonel en souriant.
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En attendant, histoire de faire quand même honnêtement notre mission d'espionnage, nous avons passé des semaines à écouter ce nord de la Lorraine occupé par l'Allemagne, chacun de notre côté. Je traversais les camps teutons, des documents sous le bras, l'air pressé et affairé.

À l'armée en effet, même côté allemand, quelqu'un qui travaille mais qui soudain paraît ne rien faire est considéré comme louche. Quelqu'un qui, comme moi, tout en ne faisant rien paraît avoir une tâche à accomplir n'est jamais inquiété. Comme personne ne sait jamais rien et que personne ne connaît les missions des autres, vous êtes tranquilles, tant que vous avez l'air de savoir ce que vous faites. J’avais trouvé le terme magique : Verbindungsoffizier, officier de liaison. Personne ne sait trop à quoi ça sert hors d'une période d'offensive.
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La Ligne bleue des Vosges, le 21 février à 7 h du matin. Dans le froid vif qui accompagne le jour encore timide, un bruit d'orage lointain, un roulement de tambour extrêmement grave : Verdun s'est éveillée.

À Nancy, même chose. Écoutez, citoyens de la capitale lorraine, ce que le député de votre 3e Circonscription se prend sur la gueule ce matin.

Le bruit ne cessera plus pendant des mois. On l'entendra jour et nuit à plus de cent kilomètres à la ronde.

Le bombardement ne sera tout de même plus jamais aussi intense qu'en ces deux premiers jours de la bataille.Je dois vous avouer que mon attitude n'a pas été, alors, celle que j'aurais imaginée pour un héros du capitaine Danrit. Humilité oblige, je vous propose de le vivre de mon pauvre et misérable point de vue. Comme me le fera remarquer Driant, un bombardement ressemble à une tempête en bateau. Avant que ça n'arrive la première fois, vous ne pouvez pas savoir si vous allez être malade ou non. Eh bien moi, j'ai eu un sacré mal de mer.
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