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Critique de Lenocherdeslivres


Déjà embarqué dans la prospective avec le travail de la Red Team, les éditions des équateurs poursuivent leur réflexion sur les avenirs possibles afin de mieux s'y préparer. Cette fois, ce sont sept auteurices américains ou français qui s'y collent. On croise aussi bien Bernard Werber que Tochi Onyebuchi, dont les récits sont ensuite rapidement analysés par des spécialistes des questions abordées. Voyons quels futurs ils ont imaginé pour nous.

Comme le titre et la couverture l'indiquent, on ne doit pas s'attendre à des avenirs joyeux et roses. le but de cet ouvrage est d'alerter les lecteurices et les décideurs de certains dangers qui nous menacent ou pourraient nous menacer. On a donc demandé aux auteurices d'imaginer ce qui pourrait déraper (davantage encore que maintenant pourrais-je ajouter de façon cynique). Ils et elles ont choisi des thèmes d'actualité (ou qui l'ont été) et les ont portés dans leurs retranchements. Ce qui est le travail normal de la SF : prendre un postulat de base actuel et se dire « et si ».

On se retrouve donc devant une série de « et si », tous plus dramatiques les uns que les autres. C'est le même principe que dans Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 – Saison 2, où la Red Team, composée d'auteurices de SF et de scientifiques, proposait des scénarios à des militaires afin qu'ils s'entraînent à imaginer la guerre du futur et à ne pas être surpris par ce qui pourrait nous attendre. Ici, on s'adresse davantage à la société civile, même si l'armée n'est pas oubliée. Et ce dès la première nouvelle, « La plus étrange défaite » d'August Cole & P.W. Singer, où l'on s'aperçoit qu'il ne faut pas rater le coche des progrès technologiques. Sans cela, comme en 1940, on est rapidement débordé par un adversaire qui maîtrise une technique diablement efficace. Bernard Werber s'intéresse lui aussi à l'armée, mais sur le plan du renseignement et de l'espionnage. Dans « le jeu du dragon », il reprend la comparaison (plus très originale) du plateau de jeu pour expliquer le monde : les Occidentaux se contentent de l'échiquier, infiniment plus limité que le plateau de go, aux possibilités innombrables.

D'autres se placent dans une perspective plus globale. Hervé le Guyader analyse une théorie fascinante et inquiétante, celle des « Termites, Fourmis et Frelons ». Ou, comment manipuler des opinions publiques étrangères par des moyens de pression souterrains et doux (les termites) jusqu'à des actions brutales (les frelons). Convaincant, car très proche de ce que l'on perçoit par moments dans notre monde actuel. Tochi Onyebuchi place l'action de sa nouvelle en Afrique et parle, un peu comme dans L'Architecte de la vengeance, de la révolte de certaines personnes venues d'Afrique contre les anciens colonisateurs. Surtout quand ils continuent à sévir. de plus, le thème central est l'eau et sa possible utilisation comme moyen de pression et source de bénéfices faramineux pour des multinationales. Assez habile et réaliste, malgré quelques libertés propres à la licence poétique, relevées par le commentateur Stephen Smith. Reste « Magdalens » de Clémence Dargent, ou le cauchemar des masculinistes : des femmes décident d'éradiquer les hommes pour en finir avec les préjudices subies par leurs semblables depuis des siècles. Violent à souhait, mais pas intenable (à la différence de « Coucou les filles ! » nouvelle de Catherine Dufour publiée dans le très intéressant recueil publié au Bélial' en 2020, L'Arithmétique terrible de la misère).

Le recueil est, on l'a vu, très hétérogène, tant dans les contenus que par les qualités littéraires. Franchement, certains textes me sont tombés des mains. Heureusement que les nouvelles étaient courtes, car une centaine de pages à ce rythme, et j'abandonnais. Car les auteurices étaient parfois tellement obnubilés par leur sujet que la narration passait au second plan. Et pourtant, c'est une nécessité dans un récit. Or, certains textes, comme « La plus étrange défaite » d'August Cole & P.W. Singer, ressemblent plus à des prises de notes décrivant un futur évènement, mais raconté de façon maladroite. Il m'a été difficile de m'intéresser vraiment au personnage. Dans « Alert » de Madeline Ashby, dont le thème (l'Arctique, avec des préoccupations proches de celles d'Étienne Cunge dans Antarcticas) m'intéressait pourtant bien, certaines ellipses étaient telles que je ne suis pas certain d'avoir tout bien compris. Quant au « Jeu du dragon » de Bernard Werber, je l'ai trouvé très convenu et trop peu original pour m'intéresser vraiment.

Enfin, les commentaires de quelques pages proposés après les récits ne sont pas non plus tous à la hauteur. Certains parviennent à prolonger la nouvelle, à permettre d'apprendre des éléments qui nourrissent la réflexion. D'autres se contentent de la paraphraser ou d'en féliciter l'auteur sans rien apporter vraiment. Quant à la postface d'Étienne Klein, elle est claire et précise : elle permet de finir sur une note positive.

Dans l'ensemble, je ne regrette pas ma lecture de Black Trends car elle m'a ouvert les yeux sur certains aspects de nos possibles avenirs, ce qui était à mon avis le but de ce livre. J'espère donc que ce genre d'exercice continuera, nous proposant des pistes de réflexion bien utiles en cette époque pleine de tensions et d'incertitudes.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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