Ah là là les bouquins ! Heureusement qu'ils sont là ! En plein confinement me voici projetée de la Cisjordanie à un village sur la côte sud-ouest de la Finlande.
C'est l'histoire d'une amitié d'emblée improbable entre un chef d'orchestre de renommée mondiale et un psychologue veuf, musicien amateur de musique tout genre , son voisin, à Ravais, un bled en bord de mer. le premier vient de s'y faire construire une maison estivale, "La
Casa Triton". le chef s'appelle Thomas Brander, le psy Reider Lindell, deux mondes apparemment aux antipodes et pourtant.....ils vont apprendre à se faire confiance, et essayer de partager leurs musiques, leurs passés et leurs solitudes.
Westö , écrivain finlandais sudophone que je viens de découvrir avec ce premier roman m'a fascinée. Ce livre dont le troisième personnage est la musique, vibre comme une partition, tellement l'émotion présente y est forte avec ou sans musique.
Lindell est un homme engagé pour son prochain, la musique et la pêche sont ses distractions. Brander, un homme égoïste, ne vit la vie qu'à travers la musique, "Le paysage résonnait différemment à présent. C'était une musique brute, écho d'un monde ancien qui se serait brisé –comme du
Bartók ou du Janáček". Même le nom de sa nouvelle maison "Triton " s'y réfère, un intervalle interdit en musique. Un intervalle qui a été prohibé pendant des siècles car on considérait qu'il pouvait invoquer le diable une fois joué. Malgré son nom de mauvaise augure qui semble être une plaisanterie, va-t-il lui être un havre idyllique comme il en rêve depuis son enfance ou au contraire maléfique vu les difficultés qui s'amoncellent côté vie privée, professionnelle et autres ? "—Tu t'es construit une maison fantastique, mais tu fais une tête d'enterrement,...."lui en fera la remarque un de ses amis.
Une histoire passionnante agrémentée de sujets d'actualité brûlante, surtout chers aux pays nordiques "à tolérance zéro" : les problèmes écologiques, le problème des réfugiés, le terrorisme, le racisme et le mouvement MeToo devenu une arme de vengeance à toute sauce, même si sur le fond il n'y a peut-être rien eu de bénin . Westö y sonde les tréfonds de l'âme des deux protagonistes. Une psychologie fouillée qui démontre habilement que quel que ce soit nos origines, notre éducation, notre renommé, notre statut sociale, nos moyens économiques.....nous sommes identiques, dans le fond, ayant les mêmes peurs, les mêmes angoisses, les mêmes frustrations, ainsi que les mêmes besoins de bases , l'amitié, l'amour, la reconnaissance, l'empathie, la gentillesse......denrées devenues rares dans notre monde actuel....et nous terminons tous notre chemin au même endroit. Écrit en plein pandémie, il en parle aussi assez curieusement, même prémonitoire, dirais-je.......
Westö fin psychologue a concocté un superbe roman chargé de questions sur la fragilité humaine , qui parle très simplement du complexe avec une apothéose formidable sur le pardon . Un livre qu'on lit d'une traite que j'ai beaucoup beaucoup aimé.