"Les impressions intenses ne disparaissent jamais, on les met de côté pour avoir la paix, on croit qu'elles s'atténuent et que le temps guérit tout, mais le passé peut revenir nous tourmenter à tout moment, il ne prévient pas."
"Le temps aussi est un cancer."
La première fois que nous nous sommes parlé à Montreal (je la découvris en train de se laver les dents), Justine devait avoir vingt-six ans. Peut-être vingt-quatre ? A mon avis, plutôt vingt-quatre. Je n'ai jamais su précisément son âge, je ne lui ai jamais demandé. [...] Mon âge à moi, je ne le connaissais que trop bien. Elle me le fit oublier. N'avais-je pas plus ou moins l'âge d'être son père ? N'en avais-je pas plutôt tout à fait l'âge ?
Elle précisa qu'elle dormait seule et que sa vie sentimentale était un désert, en ajoutant un peu moqueuse:"Sois mon oasis".
Justine disait que ma voix la rendait "tout oreilles" et regrettait de ne pas pouvoir transformer en boucles d'oreilles tout ce que je lui disais à voix basse au téléphone : "La preuve que tes phrases me plaisent, c'est qu'elles me nourrissent." des phrases qui nourrissent ? Je m'étais moqué d'elle et elle en avait conclu que je ne l'aimais pas : "Laisse-moi avec les preuves que je veux." Elle avait une théorie sur les preuves, théorie qu'elle qualifiait de marxiste puisqu'une phrase de Karl Marx en était à l'origine.
Sa théorie "marxiste" la conduisait à dire : "La preuve que je t'aime, c'est qu'on fait l'amour." Ou : "Nous nous entendons bien, c'est la preuve que nous sommes faits pour vivre ensemble." Il y avait toujours le mot "preuve". Voici la phrase de Karl Marx : "la preuve du pudding, c'est qu'on le mange", une phrase qui m'enchante, on dirait un proverbe québécois.
A la limite je me demande si c'est sain qu'on fasse durer ce qui nous arrive, et si on ne devrait pas s'en tenir aux souvenirs et peut-être aussi au hasard auquel nous croyons plus ou moins et qui pourrait nous réunir à nouveau. J'ai l'impression qu'en ce moment ce n'est peut-être pas la bonne période pour nous deux. Je devrais arrêter de réfléchir, seulement accepter ce que la vie me propose, pas au-delà de mes capacités, et je me rends malheureuse avec mes songes et mes pensées. (Extrait d'une cassette envoyée par Justine à Daniel, de Montréal à Paris)
Pourquoi,si souvent, n'ose-t-on pas dire ce qu'on pense?Ceux qui ne supportent pas qu'on leur fasse des reproches ne se privent pas de vous en faire..
J'ai pris dans une valise les quelques lettres que Justine m'a envoyées à Strasbourg : "J'ai l'impression que tu n'es là, dans ma vie, que par hasard. Je me heurte à qui? Comme si tu voulais m'effacer...Pourquoi étais tu si fuyant à Paris?" Plus loin : "C'est le désir qui compte avant tout. Quand on s'accroche aux souvenirs, c'est qu'on vieillit. Tu m'as parlé l'autre soir de nos premiers baisers à Montréal, c'est maintenant, c'est demain, que je désire t'embrasser"
"C'est le désir qui compte avant tout. Quand on s'accroche aux souvenirs, c'est qu'on vieillit."
"Ne rien refuser de ce que nous offrira la vie. A quoi ça sert ? A s'échapper à soi-même ?"