Citations sur Comme si tout recommençait (38)
J’étais prête à tout pour garder ce bébé, qui, déjà, transformait mon corps, lui donnait une sensualité et une féminité que j’avais toujours enviées aux autres femmes. Prête à tout, même à me passer de lui. En m’entendant prononcer ces mots, il était parti dans la chambre, dont il était revenu quelques minutes plus tard avec un gros sac.
À l’aube de mes trente ans, j’ai voulu un enfant. Il m’a dit qu’on avait tout le temps, qu’il voulait profiter de la vie, de moi… J’ai enfoui ce désir très loin. Je ne voulais pas le perdre. Je voyais mes amies se marier, puis tomber enceintes les unes après les autres. Chaque été, nous étions invités à plusieurs mariages. Lorsqu’il s’agissait de ses amis, il venait. Pour les miens, il me laissait y aller seule, prétextant que le mariage lui fichait le bourdon, et n’était qu’une mascarade finissant en divorce.
C’était la première fois que je m’apprêtais à vivre avec un homme. J’étais tellement excitée, heureuse, que j’ai tout de suite accepté et intégré ses goûts, pourtant loin des miens. Il a tout décidé de la décoration de notre appartement. Comme plus tard il décida de tout le reste. Il s’absentait souvent pour son travail. Il pouvait rester des jours entiers sans me donner de nouvelles, me laissant dans l’angoisse. Mais nous vivions ensemble, alors je me raisonnais, je ne lui faisais pas de reproches. À chacun de ses retours, je retrouvais dans ses yeux la marque de son amour.
J’avais devant moi le type parfait, l’homme de mes rêves. Grand, brun, une barbe de trois jours. Il revenait de vacances. Il était beau, bronzé. Sa voix était grave, chaude et légèrement ironique. Je crois me souvenir qu’il racontait à l’un des techniciens les plages où il avait surfé pendant deux semaines. Il ne m’avait pas vue tout de suite. Piquée, j’étais retournée à mon comédien. À la fin du casting, il était venu vers moi et m’avait proposé d’aller déjeuner. Aujourd’hui, je sais que j’aurais dû partir en courant. Mais j’ai dit oui, fascinée par son regard, par son sourire.
J’avais vingt-sept ans lorsque je l’ai rencontré. J’avais quitté ma petite ville de province bien des années auparavant, pour venir vivre à Paris ; il n’y avait pour moi que dans cette ville que je pouvais trouver le bonheur. Je travaillais dans une grosse boîte de pub, semblable à celle que je viens de quitter. J’avais démarré comme simple stagiaire et grimpé les échelons, pour finir par diriger le service radio. C’est là que j’avais rencontré Victor. Il était l’ingénieur du son que toute la profession s’arrachait, et sur qui toutes les filles du service fantasmaient. Je me remettais à peine d’une rupture amoureuse.
Je me surprends à en vouloir à cette femme pour l’illusion qu’elle m’a donnée. Sans doute aujourd’hui est-elle seule, vieille, séparée de son mari qui doit être parti pour une plus jeune.
Elle riait avec son mari. Leur amour nous explosait au visage. De temps en temps, il lui donnait un baiser qui la faisait frissonner de plaisir. Le bonheur qui émanait de cette femme était si fort que je ne pouvais en détacher mes yeux. Un instant, elle avait surpris mon regard et m’avait fait un petit signe de la main en souriant. Je crois que j’avais rougi. Elle m’attirait, me fascinait. J’aurais aimé faire partie de cette famille idéale de publicité, comme celles qu’on voyait sur les murs sales de ma ville. La femme était partie d’un grand éclat de rire qui avait fait se retourner toutes les têtes.
Je ne retrouve pas les traits de l’homme. Je me souviens seulement qu’il était beau, et du regard plein d’amour qu’il posait sur sa femme. Elle, elle était mince, belle avec ses longs cheveux blonds qui lui couvraient les épaules. Son sourire m’avait fascinée.