Longtemps, j'ai cru que je serais une femme heureuse. Cette croyance a guidé mes pas dès mon plus jeune âge. Elle a été mon phare, ma boussole, un but à atteindre.
Le jeune homme reste silencieux un moment. En la voyant partir sans qu’elle lui adresse ne serait-ce qu’un regard, il a senti monter en lui quelque chose d’indéfinissable qui lui a fait mal. Est-ce cela, l’amour ? Paie-t-il par l’indifférence de Barbara sa légèreté envers les autres femmes ?
Elle a demandé à son amie Sandrine, libraire à Grenoble, de lui envoyer une liste avec toutes sortes de romans.
Barbara le regarde venir à elle, avec cette joie qui ne la quitte plus depuis ce jour où elle l’a reconnu. Et lorsqu’il pose ses mains sur son ventre et qu’elle sent l’enfant remuer, elle se dit que la vie prend de drôles de chemins pour parvenir au bonheur.
Heureuse que la vie lui ait enfin souri, que tout puisse toujours recommencer et que rien ne soit jamais perdu. Barbara aura à temps ce qu’elle-même a dû attendre tant d’années, le bonheur d’aimer et d’être aimée.
Leur baiser les fait frissonner. Sans lâcher ses lèvres, il s’allonge à son côté. Barbara oublie sa peur de dévoiler son corps à cet homme qu’elle n’a cessé, elle le comprend à présent, de désirer. Contre sa poitrine, elle sent battre son cœur qui fait écho au sien. Ils oublient où ils se trouvent, et sans l’arrivée d’autres baigneurs, se seraient-ils sans doute donnés l’un à l’autre, là, sur cette plage.
y a un proverbe arabe qui dit : N’ouvre la bouche que si tu es sûr que ce que tu vas dire est plus beau que le silence.
Je ne comprends pas comment à son âge elle n’a pas trouvé l’âme sœur ! Elle est si jolie. Si gracieuse. Sans doute à Paris devait-elle avoir beaucoup de prétendants. Pourquoi est-elle venue s’enfermer ici ? J’ai tellement de questions qui me brûlent les lèvres. J’ai même tenté de cuisiner Marie-Claire, qui m’assure ne rien savoir. Ce qui est certain, c’est qu’elle porte en elle un lourd chagrin. J’aimerais pouvoir l’aider…
Mon tendre amour, si tu savais comme je suis heureuse ! Oui, heureuse ! Je n’avais plus employé ce mot depuis que tu m’as quittée. Figure-toi, mais tu dois sans doute le savoir de là où tu es, que l’amour plane sur la maison. Claire et Alain se sont enfin avoué le leur. C’est tellement beau à voir, même si cela n’est pas du goût de Mme Marsillaux… qui, dès qu’ils se tiennent par la main, ou pire s’embrassent chastement sur la joue, ne peut s’empêcher de faire la grimace. Heureusement que ce n’est pas elle la directrice, sinon ils n’auraient pas eu le droit de dormir ensemble. Claire était si émue de m’apprendre que Barbara avait accepté. Si elle avait été là, à ton époque, je suis certaine que nous aussi nous aurions pu rester dans le même lit…
C’est elle qui l’attire, et doucement, lentement, timidement ils font l’amour. Surpris tous deux par l’abolition de l’âge, du temps, de la vieillesse qui les courbe chaque jour un peu plus vers la tombe. Ils font l’amour comme une première et dernière fois. Comme si leurs âmes, leurs peaux s’attendaient depuis toujours. Elle, qui jamais n’avait joui, découvre les étoiles.