Ces fins d'été à Malagar restent parmi les moments les plus lumineux de ma vie. Pour ceux qui y étaient sensibles, il y avait des ciels, des endroits secrets, des cachettes qui ouvraient sur une vie mystérieuse, à la fois matérielle et spirituelle.
D'autres lieu aujourd'hui m'offrent un refuge et j'éprouve à leur égard beaucoup de tendresse et de gratitude. Mais je sais au fond de moi que ce qui m'attache à une maison plutôt qu'à une autre, ou à un jardin, ou à des prairies, est le rappel d'images passées de Malagar.
C'était le refuge, le havre de paix que François Mauriac avait pressenti avant tout le monde. Il y retrouvait "ses chers morts" dont des meubles, des portraits et des bibelots rappelaient l'existence. Ces inconnus avaient pour nous une seconde vie grâce à ces modestes souvenirs de leur passé.
Malagar conservait intact le parfum des jours heureux; mes grands-parents étaient là, vivants, à leur place habituelle dans le salon, au détour d'une allée, lui lisant, elle occupée à un ouvrage de broderie. Leurs doux et bienveillants fantômes m'accueillirent encore pendant trois années puis ce fut pour de bon terminé : ma famille avait choisi de se séparer de la propriété en en faisant don à la Région Aquitaine.
La propriété et la maison ne changeaient pas. Elles palpitaient de cette même vie secrète qui m'avait tant séduite jadis.
Le charme puissant de cette propriété dont personne ne se souciait et qu'il avait été le seul à percevoir avait eu la force d'un coup de foudre : comme si elle lui était de tout temps destinée. Ceux qui connaissent son oeuvre savent qu'il s'agit de Malagar.