Quoi qu'il arrive, résiste au désarroi...
(p. 34)
Damballah Wedo est le père immémorial et vénérable ; absolument immémorial et vénérable, comme datant d’un monde antérieur aux problèmes ; et ses enfants entendaient qu’il reste ainsi ; image de l’innocence paternelle, bienveillante, le noble père à qui l’on ne demande rien d’autre que sa bénédiction. Il n’existe quasiment aucune forme précise de communication avec lui, comme si sa sagesse revêtait une telle ampleur cosmique et relevait d’une telle innocence qu’elle ne pouvait percevoir les petits soucis de sa progéniture humaine ni se traduire en un langage humain d’une précision trop mesquine.
(p. 11, extrait de « Chevaux divins : Les dieux vaudou d’Haïti » de Maya Deren)
Les histoires sont des lettres. Des lettres envoyées à n'importe qui,à tout le monde. Mais les plus belles sont faites pour être lues par quelqu'un en particulier. Celles-là, quand on les lit, on sait qu'on écoute aux portes. On sait qu'une vraie personne quelque part lira ces mêmes mots qu'on est en train de lire, et c'est elle seule que l'histoire regarde : nous, on n'est qu'un fantôme qui tend l'oreille.
Pour atteindre l'autre monde, l'au-delà, il faut changer deux fois de bus. [...] Parce que la prison se situe bel et bien dans un autre monde. Ce qu'elle n'a pas compris au début. Elle arrivait là-bas avec sa conception normale des relations humaines, son sens du bien et du mal, et de l'équité. Mais rien de tout cela ne cadrait. La prison bafoue ses convictions. Aller voir son fils, c'est moins couvrir une certaine distance qu'apprendre à découvrir la nature du terrain hostile qui sépare son fils d'elle, apprendre qu'il sera toujours infiniment proche, infiniment lointain.