Tout l’enseignement était fait pour intégrer les enfants à la France. La phrase de Heine, « tout homme a deux patries, la sienne et la France » était répétée comme un mantra. Les enfants devaient devenir « de bons Français de confession israélite ». Ils chantaient La Marseillaise, le Chant du départ. Il fallait être très patriote.
Je vais puiser dans les écrits de Wolf les indices qui me permettent de reconstruire l’histoire de ma famille et celle du monde dans lequel elle a vécu. Sans naïveté : un écrivain peut prendre des libertés interdites à l’historien.
C’est ce type d’anecdotes qui a transité jusqu’à nous. Il n’y a rien à en faire, rien à en dire. Elles sont dénuées de la moindre signification. Elles doivent avoir un sens qui m’échappe. Il y a peut-être des anecdotes-écrans comme des souvenirs-écrans.
J'ai commencé à écrire ce récit, auquel je pensais depuis des dizaines d'années, sous le signe du COVID : confinement, couvre-feu, masques, pass sanitaire. La pandémie m'avait donné un sentiment d'urgence : il fallait le terminer avant de disparaître. Ce serait mon dernier livre. Un écrit-testamentaire. Mes tombeaux et mon tombeau. Je le terminé alors que la guerre fait rage en Ukraine. Elle manque de m'en détourner. Cette guerre au coeur de l'Europe, que la réthorique poutienne - nazis, génocide, pogroms... - ramène autemps de la Seconde Guerre Mondiale, frappe de dérision mon entreprise de redonner vie aux miens et risque de me paralyser. Je lis pendant des heures la presse et regarde la télévision. Sur les cartes, les noms des lieux que j'ai visités par le passé, certains qui évoquent l'histoire de ma famille, comme Kiev (aujourd'hui Kyiv) où se deroulère t les obsèques nationales de mon grand-père Avrom Wievorka, ou Odessa où vécut Roger après sa libération d'Auschwitz.