Consoler Schubert

C'est si joli la poésie, et si médiocre, souvent, la vie des poètes

Mais peut-être valait-il mieux qu'il ne la touche pas. S'il l'avait embrassé, peut-être serait elle morte de joie.

Et quand elle lut cette vie, elle en fut tellement touchée qu'elle en vint à se demander si c'était vraiment sa musique qu'elle aimait, ou bien lui. Mais elle se dit que lui, il était tellement dans sa musique, que cette question ne se posait pas.

Alors j'ai écrit. Pour que, si un jour je rencontre le nouveau bibliothécaire de Charmes, ça se passe différemment. Ou du moins pour que le printemps qui vient, parsemant l'Ardèche de crocus et de perce-neige, ne soit pas saisi par le gel.

D'ici la mort, devant elle, comme derrière, il n'y aurait que le vide de sa vie. Peut-être était-ce d'avoir été si vide que ce soi-disant amour avait pris toute la place. Tel un feu qui pour l'arrêter ne rencontre que le vent.

Et né au fond des terres, n'aimant pas voyager, parfois il se demande ce qu'il aurait composé s'il avait vu une tempête en mer ou simplement la mer. Peut-être est-ce à se le demander qu'il composa cette symphonie qui resta inachevée, où la musique ne cesse de refluer, en vagues qui déferlent non vers la rive mais l'horizon.

Dieu il n'existe pas disait Rilke, mais en nous du divin peut surgir, peu importe comment on l'appelle, pourvu qu'intérieurement, soudain ce soit clair, presque transparent.

On eût dit qu'il voulait devenir de plus en plus léger, se faire bulle de savon, où jouent quelques instants des reflets irisés, de minuscules arcs-en-ciel, reliant comme ils peuvent la terre au ciel - puis qui explosent, pour mieux se fondre dans l'air. Il cherchait une musique qui ne soit que jeu de lumière, si vite passé.

Elle commençait à comprendre, que la musique fait des trous dans le temps, y trace d'autres chemins, et ouvre de nouveaux possibles.

Avec lui la musique n'était plus faite de notes, mais de cristaux de neige, qui tombaient, et fondaient avant de se poser.