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Critique de Roupille


Vous vous souvenez tous : L Histoire, c'est de la blague.
Mais au final, c'est quoi, L Histoire ? L'Histoire, c'est l'étude et l'écriture des faits et événements passés, c'est aussi une science humaine et sociale, c'est enfin un récit par lequel des femmes et des hommes s'efforcent de faire connaître le passé (merci Wiki). Et la blague, dans tout ça ? C'est que cette étude, ce récit, bien que normalement construits avec méthode, sont conditionnés par de nombreux autres facteurs, tels que la vision du monde de l'historien, sa culture… Tout serait donc sujet à interprétation, et L Histoire ne serait donc qu'une histoire, pas forcément drôle, contée par des romanciers qui auraient poussé un peu plus loin que d'habitude leurs recherches.

Enfin ça, c'était avant 2050 et la création du voyage temporel contée par Connie Willis au travers de ses romans le Grand Livre, Sans parler du chien, et, pour ce qui nous concerne aujourd'hui, son diptyque Blitz, composé des deux romans Black-out et All Clear.
Le principe est assez simple : les voyages dans le temps ont permis aux historiens de l'Université d'Oxford d'étudier directement les grands événements qui ont changé le monde en y participant.
Après le Moyen-Age (Le Grand Livre), puis le XIXe siècle (Sans parler du chien), Blitz nous emmène - surprise ! - en plein Blitz, c'est-à-dire la campagne de bombardements menée par l'armée allemande sur l'Angleterre en 1940-41. Comme dans l'ensemble des romans de la "série", nous allons suivre une histoire se déroulant entre 2 époques : la Seconde Guerre Mondiale, principalement le Blitz de Londres, et l'année 2060, d'où viennent les historiens.

Nous suivons donc, sous la tutelle de James Dunworthy, les aventures des historiens Polly Churchill, qui se retrouve à Londres pour étudier la vie sous les bombes, Merope Ward, qui, en tant qu'Eileen O'Reilly, s'installe dans la campagne anglaise pour s'occuper des enfants londoniens évacués dont les terribles Alf et Binnie Hodbin, et Michael Davies, qui se prépare pour Pearl Harbor. Et évidemment, rien ne va se passer comme prévu !

Bilan très partagé à la lecture de ce diptyque, entre une histoire trop longue, à la limite de l'interminable, et une reconstitution historique absolument passionnante.
Commençons par le sujet qui fâche : c'est long. Très long. Trop long. Environ 1400 pages découpés en cours chapîtres qui alternent les personnages et les époques, et qui peuvent se résumer ainsi : une galère tombe sur un des personnages (ou plusieurs), le personnage panique, il est perdu, puis coup de bol monumental qui lui fait reprendre espoir, il va finir par y arriver et… non, c'était une fausse piste mais un vrai gros cliffhanger. Suite 3 chapitres plus loin, place à un autre personnage.
Ce schéma "page turner" est assez efficace sur un roman court, mais trouve rapidement ses limites sur un double pavé de cette ampleur. La formule est pétée et répétée jusqu'à plus soif, si bien qu'au bout d'un moment, soit on n'y croit plus, soit on en vient à espérer qu'il leur arrive vraiment un truc grave, à ces personnages. Cumulé à cette structure narrative qui finit par lasser, le manque de "véritables" enjeux dramatiques peine à maintenir de bout en bout l'intérêt du lecteur.

Le constat est d'autant plus frustrant que le reste est une franche réussite, entre une ambiance incroyable, nourrie par un travail de documentation absolument titanesque de la part de l'autrice, et une galerie de personnages vraiment réussie, à une exception près, dont nous reparlerons.
Pour l'ambiance, on ne peut pas minimiser le travail de recherches phénoménal qu'a abattu Connie Willis : documentation, interviews de londoniens de l'époque… La reconstitution est remarquable, et retranscrite avec un talent indéniable. le lecteur est littéralement plongé dans ce Londres bombardé, et vit la peur avec les personnages tout en observant le légendaire flegme britannique à l'oeuvre.
Le tout est émaillé d'anecdotes et de détails historiques absolument passionnants qui encouragent le lecteur à aller un peu plus loin dans la recherche de ces "détails de l'histoire".

L'autre énorme point fort du roman, c'est ce défilé de personnages, notamment les secondaires, bien écrits, savoureux, et qui ajoutent à l'oeuvre une belle humanité.
On regrettera simplement le traitement manqué du personnage de Merope/Eileen, jeune femme battante et volontaire quand elle s'occupe du refuge des enfants qui devient second couteau immature et inutile quand les enjeux se feront plus pressants, avec un manque de logique et de cohérence dans sa construction. Cet écart mis à part, c'est avec un réel plaisir que l'on suit les bêtises des orphelins Hodbin, l'improbable troupe de théâtre ou encore l'invraisemblable capitaine de frégate. Ce sont eux, décrits avec humour et sensibilité, qui font avant tout le sel de l'oeuvre.

En résumé, un univers passionnant, richement documenté et raconté avec humour et un amour visible pour tous les personnages, mais également frustrant dans son incapacité à s'affranchir d'un schéma narratif répétitif et à faire décoller les enjeux. Avoir une ambiance c'est bien, avoir une histoire c'est mieux.

En bref…
Blitz est pour toi si… les petits détails qui font L Histoire, les personnages attachants et les histoires de voyages dans le temps.

J'ai aimé :
- le concept
- L'ambiance
- La profusion d'anecdotes et de détails

J'ai moins aimé :
- Avoir une ambiance, c'est bien. Avoir une histoire, c'est mieux.
- le personnage de Merope / Eileen, un peu maltraité
- Beaucoup trop long…
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