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Critique de Arakasi


Après un premier roman historique épique et haletant, « La Religion », Tim Willlocks remporte à nouveau les suffrages élégiaques de la presse avec son nouveau livre « Les douze enfants de Paris ». Honnêtement, on se demande un peu pourquoi... le roman commence pourtant bien avec une description frappante et haute en couleur du Paris du XVIe siècle. Dans les premières pages, on emboite le pas à Mattias Tannhauser, chevalier de Malte et ancien mercenaire, alors qu'il franchit les portes de la capitale pour venir y retrouver son épouse Carla et leur enfant à naître. Malgré sa grossesse, la jeune femme a été convoquée par la reine-mère Catherine de Medicis pour venir jouer de la musique au mariage de Marguerite de Valois et de son cousin béarnais Henri de Navarre. Mais, comme chaque amateur d'Histoire le sait, ce que Paris fête aujourd'hui, elle le déchirera demain... La nuit même de l'arrivée de Tannhauser, le massacre de la Saint-Barthélemy débute et quand le chevalier se précipite chez la veuve protestante qui hébergeait son épouse, il découvre la maisonnée dévastée, ses membres massacrés et la jeune femme disparue. Dévasté par l'angoisse et ivre de rage, Tannhauser se lance à la recherche de Carla, laissant dans tout Paris une trainée de cadavres et de blessés mutilés.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais d'abord pousser un petit coup de gueule contre les critiques de la presse française. Après avoir parcouru une demi-douzaine de chroniques, j'ai l'impression que deux journalistes sur trois rapprochent « Les Douze enfants de Paris » des romans des Guerres de Religion d'Alexandre Dumas. C'est idiot. le seul point commun entre Willocks et Dumas, c'est qu'ils ont tous les deux écrit sur la Saint-Barthélemy, point-barre (et encore, Dumas n'y consacre-t-il qu'une poignée de chapitres) ; narrativement et stylistiquement, ils n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Loin des intrigues de Cour que nous promettait la quatrième de couverture du roman de Willocks et qui formaient le coeur de l'oeuvre de Dumas, « Les Douze enfants de Paris » se déroule presque intégralement au ras des pavés de la capitale. le personnage principal évolue dans un enfer de boue, de crasse et de sang où les membres de la noblesse ne font que de fugitives et spectrales apparitions. Non que ce parti-pris soit une mauvaise idée, au contraire ! C'est même un des gros points forts du récit et les premières 200 pages séduisent par leur réalisme, leur crudité et leur noirceur décomplexée.

Le problème, c'est que le roman ne fait pas 200 pages, mais 900 pages et que ces 900 pages sont remplies à 80% de baston. Attention, je n'ai rien contre un peu d'action, mais un roman de cette longueur constitué presque exclusivement de têtes coupées, de membres tranchés et de ventres ouverts, c'est trop, beaucoup trop ! Je ne jouerai pas non plus les vierges effarouchées : je savais à quoi m'attendre en matière de violence brute en ouvrant le roman – la Saint-Barthélemy, ce n'est pas une guerre, c'est un massacre et on ne décrit pas un massacre en mâchant ses mots – mais la violence n'est pas seulement crue chez Willocks, elle est surtout redondante et, au final, assez lassante. Faut dire que, même avec la meilleure volonté du monde, il n'y a pas mille façons de décrire une mort violente, et, qu'au bout de la vingtième décapitation, Willocks commence forcément à se répéter… A force de regarder Tannhauser courir à travers la ville et enchaîner combat sur combat, j'ai fini par être tout à fait blasée, à bailler quand j'aurais dû frémir et à confondre ses innombrables et médiocres adversaires les uns avec les autres. Oh, je comprends le message qu'a voulu faire passer l'auteur : l'absurdité des massacres religieux, la folie du meurtre, etc… N'empêche, je me suis un peu emmerdée.

Dommage dans un sens, car « Les douze enfants de Paris » n'est pas non plus un mauvais roman et quelques belles idées et beaux personnages m'ont permis de m'accrocher jusqu'au bout, notamment le personnage de Grymonde, monstre difforme et touchant régnant sur la pègre parisienne, sa mère un peu sorcière Alice, et surtout ces douze enfants de Paris évoqués dans le titre du roman. Quand les hommes deviennent loups, le loup se transforme parfois en ange gardien et, au rythme de ses sanglantes déambulations, Tannhauser recueillera autour de lui une petite tribu d'enfants perdus. Orphelins de fraîche date ou miséreux de toujours, ceux-ci s'accrocheront désespérément à cette figure meurtrière mais curieusement bienveillante à leur égard. Entre deux effusions de sang, naissent alors quelques moments d'émotion et le lecteur maussade s'éveille assez pour s'attendrir sur ses petites vies balayées par la folie des adultes. C'est beau, c'est bien, mais ce n'est pas assez pour compenser les lourdeurs de l'ensemble du roman.
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