"En chacun de nous sommeille un bourreau.
Le tien, tu es sûr qu'il dort?"
Et quand on souffre, on accuse celui qui est la !
On se met à voir le monde autrement dès qu'on décide de bannir de son vocabulaire le verbe "vouloir"....et le verbe "pouvoir", Scarabée.
Souvent les secrets sont decevants pour les autres, quand ils les apprennent , tant ils sont communs, tant ils pourraient être le secret de tous et de n'importe qui. Mais pour les personnes qui les portent, ce sont des fardeaux insupportables. Et la peur de les révéler est telle qu'elles travestissent la réalité pour ne pas avoir à attirer l'attention. Elles racontent des histoires pour enrober la vérité. Ce qu'elles ne savent pas c'est que l'histoire qu'elles racontent enveloppe parfois si bien cette vérité qu'elle en dessine les contours.
- Vous ne pouvez pas savoir ce qu'on ne vous a pas appris. Et vous ne pouvez pas apprendre avec des lunettes noires.
- Qu'est-ce que vous racontez ?
Il descend une marche vers moi.
- Je parle de la morgue, de la vanité, de la boursouflure de vous-même qu'on vous a inculquées après vous avoir soigneusement humiliée et culpabilisée. Je parle de la manière dont les patrons à qui vous avez eu affaire vous ont "déformée" pour vous transformer en robot. C'est de "ça" que je parle.
Quand la consultation tourne aux préliminaires,
l'examen gynécologique est un viol.
Je me tourne vers la patiente
et je m'ouvre à ses plaintes, à ses peurs, à ses pleurs,
ses espoirs, ses désirs, ses échecs,ses plaisirs,
je me fonds dans son air, son couplet, sa ballade,
son chant solo montant du choeur des femmes.
Eh ben le docteur Karma, il te regarde pas comme ça. Avec plein d'autres [médecins] t'as toujours l'impression que t'es personne. Avec lui, t'as toujours l'impression que tu es une personne. Enfin, que tu es quelqu'un, quoi.
(p. 149)
Quand elles appellent je les accueille, quand elles viennent je les écoute et j'essaie de comprendre. Et souvent, c'est très difficile parce que ce qu'elles disent n'a pas vraiment de sens pour moi. Je ne sais pas ce que c'est de ne pas avoir de travail. Je ne sais pas ce que c'est de ne pas avoir d'homme à la maison. Je ne sais pas ce que c'est d'avoir des parents qui vous battent ou qui boivent. Je ne connais rien de tout ça. Je ne sais pas ce que c'est que d'avoir des relations sexuelles contre son gré. Je ne sais pas ce que c'est que d'être enceinte sans l'avoir voulu. Non... Je sais que ça existe, je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps, mais j'ai du mal à imaginer ce que c'est.C'est juste hors de ma compréhension.
"Elle s'interrompt. Je me tourne vers l'interne, je lui prends doucement le bloc et le stylo des mains et je pose le tout sur le bureau.
- Vous écrirez plus tard... Peut-être.
Puis, sans le materner plus longtemps, il finira par trouver sa place,
je me tourne vers la patiente
et je m'ouvre à ses plaintes, à ses peurs, à ses pleurs,
ses espoirs, ses désirs, ses échecs, ses plaisirs,
je me fonds dans son air, son couplet, sa ballade,
son chant solo montant du choeur des femmes."