💍 Ils sont de diverses tailles, ils se portent au poignet, en diadème, autour du cou, sautoir ou ras du cou, on peut les mettre aux chevilles, à ses oreilles. Ils ont différentes teintes, bleu ciel, bleu rouge, bleu clair ou bleu azur, souvent bleu foncé et parfois bleu noir quand il est trop tard. Entre femmes, elles les comparent, plus la teinte est foncée et plus le bleu est pur. Malheur à celle qui sort sans arborer le moindre bijou. Il faut en être fière mais pourtant, l'important c'est que personne ne les voie : ces bijoux-là ne se montrent pas.
💍 Turquie. Dans un village reculé, Filiz, jeune fille de treize ans, tombe amoureuse de
Yunus, un jeune garçon aux yeux verts qui deviendra son mari. A peine les festivités terminées, le mariage est consommé. Chez sa belle-mère, « l'araignée », Filiz devient une ombre, esclave sous le joug de la méchanceté incarnée, elle devient une « tache aveugle », invisible et inutile. Sauf quand il s'agit de sexe, quand
Yunus rentre épuisé et en rage de son travail, alors il empoigne sa femme et la prend. Sans amour et avec beaucoup de violence. Et le ventre s'arrondit. La vie jaillit du rien. La vie jaillit de la haine, des craintes (« Tu souris à un homme ? »), des coups, toujours plus forts ... Les bijoux. Noyée dans le bleu, Filiz a pourtant l'espoir d'une vie meilleure, une vie que
Yunus, son bourreau, peut tout de même lui offrir, en Autriche, où le bleu n'est pas un coup, n'est pas deux coups, n'est pas synonyme de possession et de répression ; non, là-bas, le bleu est celui des jeans, des cheveux au vent, des bras nus. le seul bleu qui devrait être.
💍 Si la vie est moins dure en Autriche, le joug du mari n'en reste pas moins terrible. La liberté n'a qu'une l'attitude, celle que s'offre
Yunus. Femme et enfants restent enfermés, leur liberté se mesure à l'aune des possibilités que leur offre leur bourreau ; dans une maison esseulée au bord du Danube,
Yunus fait encore sa loi, mais Filiz prépare sa rébellion. Maigre rébellion face aux bijoux qui pleuvent. Maudites pierres. le salut ne pourra venir d'elle-même, il faudra que les coups soient assourdissants, que les cris soient stridents et la rage animale, pour qu'intervienne enfin Quelqu'un... pour enfin croire à un avenir meilleur.
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Les bijoux bleus est certainement la lecture la plus difficile, dérangeante et perturbante que j'aie faite cette année. Pourtant assez court, je n'ai jamais su trouver le moment adéquat pour le lire. Il a fallu prendre le temps, accepter des pauses nécessaires, avec ces images qui persistaient, ces mots qui frappaient fort, ces phrases qui assassinaient. Et reprendre, doucement, parfois cinq pages, et s'arrêter encore. La douleur est insoutenable.
J'ai fermé ce livre il y a bientôt une heure et me voilà encore le souffle coupé, le coeur en miettes et les yeux embués de larmes.
Inspiré de faits réels, sublimés par une écriture acérée et crue, une seule question subsiste : « Comment est-ce possible ? »