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Critique de panurge


BONJOUR, Mr FLAUBERT...

Un Gotha littéraire inimaginable (imaginez un instant tous les plus grands écrivains de l'époque à l'exception De Stendhal ou De Balzac)....Un monde disparu.....Un mode de vie impensable aujourd'hui....

Dans ce décor de convulsions politiques, sociales et économiques-la France accouche péniblement d'une démocratie parlementaire républicaine-, un homme né en 1821 mort des suites d'un accident vasculaire cérébral en 1880, l'Ecrivain par excellence, Gustave Flaubert.

La biographie de Michel Winock consacré à cet homme est remarquable.

Il pose sur l'homme l'oeil de l'historien, du critique et du romancier.
Il respecte la ligne de partage séparant le bourgeois "anarchiste de droite", exécrant la bassesse, la médiocrité et la bêtise de l'Oeuvre ("L'homme n'est rien, l'oeuvre est tout")..
Point de psychanaysme de pacotille, de lecture gauchisante revisitée façon compagnon de route sartrien* ou de rejet fondé sur une vison préconcue de la fonction du Roman.
Juste Flaubert dans sa grandeur, ses faiblesses, son humanité, ses drôleries, son goût du grotesque, son monde et ce travail herculéen de création.

Quelques moments à signaler : l'aigreur exaspérante des frères de Goncourt, pipelets rances, suris, fielleux de la République des Lettres à qui on a vite envie d'administrer un ou deux coups de pieds bien placés, histoire de leur rappeler qui est vraiment leur véritable ami...la liaison passionnée avec Louise Colet (femme intellectuelle et poétesse au XIXème siècle ; la "promotion plumard"obligée s'impose pour ne serait-ce qu'exister dans un monde totalement fermé aux personnes du dexième sexe**)....L'amitié indéfectible (Alfred le Poittevin, Louis Bouilhet...), celle "qui prend le quart au moindre coup de Trafalgar "comme le chantait Georges Brassens...l'esprit de famille (bien mal payé de retour) et l'amour du Pays (les pages sur l'occupation de 1870 sont humiliantes, poignatnes et exaspérantes).

Enfin la Littérature : trois romans ( Mme Bovary, salammbô, l'Education sentimentale), un texte de l'ordre de la pièce de théâtre (La tentation de Saint Antoine), trois nouvelles (Trois contes) et un texte inachevé (Bouvard et Pécuchet).

Chacun avisera ; pour ma part je mets au-dessus de tout L'Education sentimentale.

Juste un rappel....Fréderic Moreau traverse sa vie en somnanbule pour au fond n'aimer sans fin qu'une femme qui ne sera jamais à lui, ni charnellement, ni affectivement, ni amicalement.
Un univers gravite autour de lui, peuplé d'arrivistes, d'aigrefins, de rapins, de faiseurs, de tenants de l'Ordre ancien ou nouveau, de débauchées et débauchés où la femme est TOUJOURS rabaissée, obéissante, manipulée, manipulatrice, attirante et rejetée**...L'Histoire, celle de 1848, se fait là sous ses yeux sans qu'il puisse vraiment y jouer un rôle...Seule l'amitié avec Deslaurers, rencontré au collège surnage, survit dans une ambiance d'irrémédiable naufrage.

Une vie quelconque donc sans romanesque, sans vison édificatrice, sans utopie.

Pourquoi parler de chef d'oeuvre ? Pour quelques bonnes raisons :

Fréderic Moreau et tous ceux crées ex nihilo vivent indépendamment de leur "Metteur au Monde"..Voilà le premier tour de force de l'Auteur...Ce sont des "Golems" et non des personnages/marionnettes chargés de porter une parole....

Le style ensuite....Il brille de tous les éclats d'un diamant le plus pur possible....
Aucun mot n'est inutile, aucune phrase inintéressante, aucun paragraphe vide, aucun chapitre creux...
La tête tourne à force de ne plus avoir quoi admirer...
Imaginez vous à la Bibliothèque de Babel, au Musée de tous les Musées du Monde, sur un sommet regardant les nuées (comme le" Voyageur contemplant une mer de nuages" de Caspar Friedrich) ou dans un bonsaï qui contiendrait toutes les Merveilles Terrestres (des ziggourats babyloniennes, des pharaons de la Vallée des Rois, des bas-reliefs assyriens, de la bibliothèque d'Alexandrie, à la Chapelle Sixtine, au Taj Mahal, à Machu Picchu). le mot qui vient naturellement, immédiatement, forcément est "Sublime".

Enfin, Mme Arnoux...Au début, un châle rattrapé , à la fin une mèche de cheveux blancs... L'Amour Absolu, Aveuglant, sans partage, Attrracteur étrange où Fréderic se dissout....Beau comme des vers raciniens de glace et de feu....Emouvant jusqu'au tréfonds de l'âme,...Poignant par ce qu'il porte d'inatteignable et de désespérant....

La Fin renvoie à cette platitude de la vie morne, bornée et bordée sans Idéal où un souvenir de première visite au bordel sert de conclusion ("Ils se la contèrent prolixement, chacun complétant les souvenirs de l'autre ; et, quand ils eurent fini :
-"C'est là ce que nous avons eu de meilleur !" dit Frédéric.
- "Oui, peut-être bien ? C'est là ce que nous avons eu de meilleur !", dit Deslauriers.)

Certaines oeuvres vous soulèvent hors de vous-même, vous font toucher du doigt un Monde autre, vous exposent d'un seul trait la Beauté plastique, le Génie artististique, l'Art de la création.....
Voilà donc l'Education Sentimentale roman aussi éclatant par l'émotion produite que "Le Christ" de Cimabue à Pise, "St François d'Assise" de Giotto, "La gare St Lazare", La pie" ou "Les coquelicots" de Monet, "Les collines Sainte Victoire" de Cézanne ou "Le chemin de l'Estaque" de Braque

Bonjour donc Monsieur Flaubert.***!

* L'Idiot de la Famille ne parle que de JP...Une pièce montée façon mausolée de Lénine élevée en l'honneur de Sartre par lui-même.
** le Féminisme se trouve ici justifié en soi
*** Cette biographie se lit comme un feuilleton que l'on a hâte de continuer chaque soir avant le passage chez Morphée.

P.S. : Contrairement à ce que dit P.M. de Biasi dans son entretien sur Fance Culture, Flaubert ne souffre pas de crises psychosomatiques permettant de se soustraire aux diktats du devenir social imposé par la famille mais bien d'épilepsies.
On retrouve l'aura, les phases tonico-cloniques, la phase stertoreuse et la morsure de langue. le Dr Gastaut,neuro-épileptologue diagnostique aussi des crises partielles complexes plus fréquentes que les crises généralisées. Que cela ait permis au Garçon de s'en arrêter là est une autre histoire...

Maintenant La brulure de la main droite due à un geste médical paternel. Selon notre Existentialiste nationall, cette brulure est la revanche du Père Castrateur sur un fils désobéissant (JP confond Achille Cléophas avec Ouranos)...Le Père brûle la main de l'Ecrivain pour remettre le Révolté dans le droit chemin....
En pratique, le fils fait une crise d'épilepsie (en ces temps reculés pas de traitement), le père chirurgien tente une saignée (il fait avec ce qu'il a), ne trouve pas la veine, tente, par la chaleur, d'obtenir une dilatation vasculaire (méthode éprouvée)...L'eau, trop chaude, brule la main....
L'intentionnalisme crée une interprétation qui parle encore une fois d'un autre "Idiot de la Famille"..Jean-Paul Sartre et non pas Gustave Flaubert...


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