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Critique de mumuboc


Dès sa sortie je savais que je lirai un jour ce livre. Je suis très intéressée de découvrir qui se cache derrière l'écrivain. Ernest Hemingway, quel homme, quel écrivain et quel personnage. Prix Nobel de littérature, figure marquante de son époque par ses écrits mais aussi par sa vie, ses relations, sa présence sur les grands combats en tant que correspondant de guerre mais aussi dans de nombreux lieux qui portent encore son empreinte.

Je n'ai lu que peu de chose de lui, Pour qui sonne le glas (qui lui valu son prix Nobel) et le Vieil homme et la mer deux oeuvres majeures dans son travail d'écrivain mais je l'ai souvent entr'aperçu dans d'autres romans comme Derniers feux sur Sunset. On en parle souvent pour ses frasques, son charisme et sa présence. Un homme qui laissait son empreinte partout où il était….

Ce n'est pas de la Mrs Hemingway dont il est question ici mais Des Mrs Hemingway car elles ont été quatre à porter son nom, à épauler l'homme, à partager sa vie et à se voir un jour quitté pour une autre (sauf pour la dernière qui le fut pour la mort, sa dernière compagne).

A travers les 4 Mrs Hemingway qui ont partagé sa vie, on découvre l'homme finalement assez fragile (je vous rappelle qu'il s'est suicidé en 1961).

Il n'est pas donné à tout le monde de s'appeler Mrs Hemingway. (p125)

Non il n'est pas donné à tout le monde d'être Mrs Hemingway et chacune de ses femmes aurait pu prononcer ces mots. de Hadley, Pauline (Fife), Martha et enfin Mary toutes ont été folles amoureuses de cet homme au sourire ravageur, capable de tout pour vivre près de lui jusqu'à parfois faire ménage à trois, ce géant trimballant un état dépressif continu, disparaissant régulièrement pour couvrir comme correspondant de guerre les terrains de combats, n'hésitant pas à y prendre part et parfois être blessé.

Non, pas aisé de vivre auprès de ce grand écrivain, toujours un verre à la main, torturé par l'emprise de sa mère et le suicide de son père, cherchant à comprendre, à vouloir toujours plus, mieux, à être reconnu comme écrivain, à être aimé, n'ayant pas toujours le retour du public et des critiques qu'il aurait souhaité.

Ta mère m'a tout l'air d'avoir été une garce de premier ordre

– Elle n'a jamais remporté aucun prix

– C'est pour cela que les mères meurent. Pour qu'on puisse continuer à vivre, ajoute-t-il d'une manière plutôt cryptique, sa mère à lui étant bien vivante. (p31)

A travers ses quatre épouses, on découvre finalement un colosse aux pieds d'argile, au coeur d'artichaut. Il est surprenant de constater qu'il a épousé (car à chaque fois qu'il a été amoureux, il a épousé) trois femmes journalistes (sa première femme étant musicienne), quatre femmes très différentes : maternelle, mondaine ou baroudeuse, quatre tempéraments différents mais toutes sont tombées sur son charme.

Malgré ses abus d'alcool (même si certaines partageaient son attirance pour celui-ci), malgré ses dépressions et ses doutes, malgré toutes les aventures d'une nuit, de quelques semaines, toutes sont restées proches de lui, complices et aimantes et finalement un lien les unissait : lui, Ernest Hemingway.

Le livre couvre une large partie de la vie de cet auteur. de 1926 à 1961 on y retrouve l'ambiance des années folles avec les amis des couples : F.S. Fitzgerald et sa femme Zelda, Gérald et Sara Murphy, riches mécènes entre autres américains, compagnons de soirées, mais aussi les années de guerre où Hemingway voulait témoigner, comprendre et partager ce qu'il vivait.

Ce que j'ai ressenti finalement c'est sa grande solitude, la grande détresse de ce colosse. Une quête éperdue d'amour, pour combler le vide qui l'habitait, le désespoir. Quand il aimait il était sincère et ne cherchait pas à faire de mal. Une histoire après l'autre avec des femmes qui lui apportait dans le moment de sa vie où il les rencontrait soit une famille et une maturité comme avec Hadley qui était plus âgée que lui, de la folie et sa découverte de Kay West, son havre de paix avec Fife, de l'aventure avec Martha qu'il retrouvait sur tous les points chauds de la terre et Mary, celle qui fut sa dernière compagne, un apaisement.

L'intérêt de lire ce genre de récit c'est de mieux comprendre l'homme qui peut être très différent de ce qu'il laisse transparaître dans ses écrits.

« Et rappelez-vous, n'essayez pas de tout comprendre, lui dit Sylvia. Les livres sont comme les gens, ils sont bien meilleurs quand on ne les comprend pas tout à fait ». (p125)

Ces quatre femmes ont tenté de vivre à côté ou dans l'ombre d'un tel homme, charmeur, qui peut passer de la douceur à la violence, imprévisible, qu'il faut écouter, épauler, soutenir, aimer, mais pas étouffer, dont il est difficile de se détacher ou de lui en vouloir. Quel que soit leur tempérament elles ont échoué.

On découvre en filigrane un homme jamais remis du suicide de son père, obsédé par les armes, la mort et que l'on peut comprendre tant la famille est marquée par la dépression et le suicide. Il veut profiter de la vie, c'est un jouisseur, malgré le manque d'argent, malgré les blessures multiples qui laissent sur son corps nombre de cicatrices mais les plus importantes sont, je pense, dans son coeur, un mal-être perpétuel.

Aucun homme ne devrait être contraint de vivre avec autant de tristesse en soi, et si peu d'espoir de soulagement. (p204)

J'ai beaucoup aimé la construction du roman : on découvre chaque mariage au moment où celui-ci bascule vers une séparation et on remonte le temps pour découvrir la rencontre, la vie, les épreuves puis l'éloignement pour rejoindre un nouvel amour, une future épouse.

Je comprends que ces femmes soient restées amoureuses, amies avec Ernest Hemingway : lui ne voulait jamais blesser, il voulait simplement aimer, il tentait dans un premier temps de tout concilier, de donner à chacune ce qu'il pouvait donner, il les a aimées je pense très sincèrement. Une seule à préférer partir, Matha, la plus indépendante, elle préférait quitter qu'être quittée.

La dernière partie, son mariage avec Mary, sa vie à Cuba puis dans l'Idaho, alors qu'il semblait apaisé, que rien ne laissait présager son suicide, est particulièrement touchante et émouvante.

Bravo pour ce récit passionnant, vivant, documenté et la plume féminine de Naomi Wood donne à l'ensemble une tendresse et une compassion pour ces quatre femmes mais aussi pour ce monument de la littérature américaine.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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