-Je vous souhaite d'être heureuse, maintenant comtesse.
Un long soupir chargé de lassitude échappa à la jeune femme qui croisa ce regard répugnant. Elle se sentait totalement vidée, sans plus aucun tonus depuis qu'Anna avait pris sa décision.
-J'essaierai, souffla-t-elle, incapable même de réagir à la raillerie de l'ecclésiastique.
-Comment ne pourriez-vous pas l'être, avec cette fortune colossale à votre disposition?
-Le bonheur ne dépend pas forcément de la richesse, Ivan. On peut s'approprier toute la richesse du monde et rester affreusement malheureux. Les possessions remplacent bien mal l'amour d'un ami et d'un parent.
-Mais dites-moi! N'aurions-nous pas là une savante? s'esclaffa Ivan avec malveillance.
Lui, qui s'était donné pour tache de remettre les brebis égarées dans le droit chemin, avait du mal à rester courtois quand on remettait en cause son importance et qu'on doutait de sa grandeur.
-Voyez un peu! Tant de sagesse chez une femme si frêle... Morbleu! A ce régime, que vont devenir les vieux clercs nourris de l'antique théologie, celle qui ne se trouve que dans les lourds volumes du temps passé?
Zinovia comprit qu'il tournait en dérision ses réflexions auxquelles il n'accordait aucune valeur. Ivan avait a propre conception de l'univers; il était interdit aux femmes de l'en détourner.
-A mon avis, celui qui raisonne de travers aura beau étudier l’œuvre de mille savants, il n'acquerra pas une plus grande sagesse s'il persiste dans son erreur de base.