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Critique de Colchik


Je dois avouer une certaine déception en lisant cette correspondance recommandée par la critique. Je m'attendais au dialogue de deux esprits brillants, à des échanges de vue sur la littérature et la vie intellectuelle du groupe de Bloomsbury et je ne trouve dans ces lettres au contenu bien mince que le décompte des petits soucis quotidiens et des invitations à prendre le thé entrelardées de commérages.
Ce livre m'amène à deux ou trois constats. Tout d'abord, sur l'étroitesse du cercle dans lequel évoluent Virginia Woolf et Lytton Strachey. Amis de leurs familles respectives, frères et soeurs, anciens condisciples de Cambridge ou membres des Apôtres, le milieu dans lequel ils tissent leurs relations sociales est fortement homogame (exclusivement ?) et assez peu ouvert aux éléments de la société britannique venant d'un milieu social différent. Ils appartiennent par excellence au monde de l'entre-soi, hérité de la société victorienne qui leur fait tant horreur. Qu'un individu extérieur à ce monde pointe son nez, on lui trouve aussitôt un air ordinaire ou "une fantaisie légèrement vulgaire" comme l'écrit Lytton Strachey à l'égard de Katherine Mansfield.
Autre constatation, le silence qui entoure la guerre. On ne peut l'expliquer par la qualité d'objecteur de conscience revendiquée par Lytton Strachey qui pourrait fort bien évoquer les raisons de son pacifisme. Rien, mises à part une ou deux allusions aux tribunaux qui statueront sur l'objection de conscience soulevée par Strachey. Autour d'eux, des hommes partent et reviennent du front, parfois blessés dans leur chair et leur âme, mais pas un mot pour évoquer l'atroce guerre. À ce point, on ose penser : indifférence ?
J'ai également été surprise par le nomadisme de cette petite société qui part souvent à la campagne, séjourne en Cornouailles ou dans le Sussex, répond aux invitations des uns et des autres, à Londres, Cambridge, Oxford... Il se dessine là, à côté d'une vie de labeur intellectuel, une existence plaisante, ponctuée de villégiatures bucoliques et de retrouvailles au coin du feu, de théâtre de plein air et de promenades dans la nature.
Les missives de nos deux amis font la part belle aux petites mesquineries et aux potins. Ils savent se renvoyer la balle avec un certain enthousiasme quand il s'agit de leurs propres oeuvres, mais ont la dent dure pour celles de leurs amis. Quant à Lady Ottoline, elle fait l'objet de moqueries et de méchancetés de façon récurrente. Cela n'empêche pas Lytton Strachey de fréquenter sa maison avec assiduité et de répondre à ses invitations sans trop se faire prier.
Je ne peux m'empêcher de comparer cette correspondance, somme toute banale dans son contenu, avec celle de Katherine Mansfield que je trouve remarquable et dotée de vraies qualités littéraires. Cependant, une même détestation réunit les deux femmes de lettres pour l'auteur d'Ulysse, avec chez Virginia Woolf un mépris violent qui laisse pantois : « Ma contribution à moi, cinq shillings et six pence, ne sera versée qu'à la condition qu'il (T. S. Eliot) se serve en public des deux cents premières pages d'Ulysse pour un besoin très naturel ». Quelle morgue !
La fin de leur correspondance prend une tonalité plus sourde, comme si la dépression, la maladie et la mort prenaient le dessus sur deux esprits entamés par la souffrance.
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