p 840 J'ai besoin de solitude, j'ai besoin d'espace ; j'ai besoin d'air. J'ai si peu d'énergie.
J'ai besoin d'être entourée de champs nus, de sentir mes jambes arpenter les routes ;
besoin de sommeil et d'une vie tout animale.
Mon cerveau est trop actif.
Ainsi les jours passent et je me demande si l'on n'est pas hypnotisé par la vie, comme un enfant peut l'être par un globe d'argent; et si c'est cela, vivre.
Je voulais parler de la mort, mais la vie a fait irruption, comme d'habitude.
« La vie est un rêve, c’est le réveil qui nous tue. »
14 janvier 1918
Il (Saxon) m'a apporté deux volumes de morceaux choisis de littérature italienne. Il a inscrit son nom dedans avec une dextérité et une netteté extrêmes et il est parti accablé par les mystères de ce monde inintelligible.
Voici mes résolutions pour les trois mois qui viennent, premier tour de piste de l'année (1931) :
D'abord, n'en prendre aucune. Ne pas s'engager.
Ensuite, défendre ma liberté et me ménager ;
ne pas m'obliger à sortir mais rester plutôt seule à lire tranquillement ...
Mener les Vagues à bonne fin
Ne pas me soucier de gagner de l'argent.
En ce qui concerne Nelly, (la bonne) maîtriser mon exaspération en me persuadant bien que rien ne mérite que l'on cède à l'exaspération.
Si Nelly recommence à m'exaspérer : la renvoyer.
Puis ... enfin, la résolution qui vient en tête est la plus importante :
s'abstenir de toute résolution.
p 859
Considérant que mes oreilles sont restées vierges de musique depuis plusieurs semaines, je pense que le patriotisme est une émotion basse. ... On a joué l'hymne national et un cantique et je n'ai constaté qu'une absence totale d'émotion chez moi comme chez les autres. Si les Anglais parlaient ouvertement de WC et de fornication peut-être seraient-ils remués par des émotions unvierselles. Les choses étant ce qu'elles sont, toute incitation à vibrer en commun est irrémédiablement gâchée par les pardessus et manteaux de fourrures qui s'interposent. Je commence à abhorrer mon espèce, surtout après avoir considérer les visages dans le métro. Vraiment, je trouve plus agréable de regarder du boeuf cru ou des harengs saurs.
Je vais couper à la dérive - je vais m'asseoir sur les trottoirs et boire du café - je vais rêver ; je vais sortir mon esprit de sa cage de fer et le laisser nager - ce bel octobre.
6 mars 1920
Avant cela , soit dit en passant , j'ai vu le nouveau logement de Nessa, inspecté le désordre chaotique de Pippa au 51 , et fait une petite visite à Adrian et Karin, qui étudiaient leur biologie dans leur salle à manger. En sortant , nous sommes tombés sur James - c'est dire si l'endroit évoque une garenne pleine de lapins!
14 decembre 1917
(...) Et Saxon resté jusqu’à onze heures ; il n’a guère ouvert la bouche que trois fois , et pour parler ,comme autrefois , de cette manière pédante à laquelle il avait plutôt renoncé ces derniers temps.