la métafiction est une maladie juvénile
Tu en penses ce que tu veux, lecteur, mais moi, je commence à croire que l’histoire que j’écris est celle d’un père et d’un fils. Tout le reste est faux. Ce n’est pas un western. C’est autant un western qu’Apocalypse Now est un film de guerre.
La légende, disait-on, était la répétition d’une autre histoire : celle des Mayas qui, eux, voulaient se défendre contre les Aztèques. L’empire aztèque s’était imposé sur le territoire maya et avait intégré cette pratique. Du fait de la domination espagnole, très peu de gens connaissaient encore cette légende à l’époque des Ramírez et des Marlowe. Miguel Ramírez était l’un d’eux.
La bestiole lui avait en effet rappelé une ancienne histoire aztèque, transmise oralement de génération en génération, et traduite par ailleurs du nahuatl à l’espagnol.
C’était celle de la révolte d’une petite ville de l’empire aztèque qui avait en vain tenté d’empêcher la domination des Conquistadors espagnols.
La crainte que la nuit suscite chez les hommes est logique, elle les met face au néant et le comble avec les tréfonds les plus sombres de leurs âmes. L’homme a créé la ville pour éloigner la nuit.
Cent ans plus tard, la ville a créé un simulacre de jour. Les néons, les réverbères à tous les coins de rue et les bars ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout y conspire. Tout pour nous faire oublier que la nuit existe.
J’ai payé une université de premier rang aux États-Unis. C’est stupide d’essayer de gagner sa vie avec de la masturbation intellectuelle.
— Oui. C’était bon. Son truc est plus grand que le tien, vraiment. Mais rien de tout ça n’a d’importance, bastard. Tu vois pas que c’est toi qui me plais ?
— Tu... tu as aimé ?
— Juan, arrête.
— C’était bon ? Son truc est plus grand que le mien ? Tu as plus crié avec lui qu’avec moi ? Hein ?
Je veux raconter cette histoire parce que je suis leur descendant, parce que ce sont mes origines. Non. Quel mensonge. Je veux raconter cette histoire parce que j’ai besoin de me convaincre qu’un monde, une époque, ont été pires que les nôtres. C’est ça ? Non.
« Parce que je n’ai rien d’autre à faire, Carlos, c’est pour ça que j’écris.
– Rien ?
– La retraite approche, je dépense mon fric en alcool, j’envoie parfois un peu d’argent à mon fils pour l’aider...
LEON MARLOWE : On dirait qu’on a des problèmes de communication.
MIGUEL RAMÍREZ : Je crois que nos familles ont toujours eu ce type de problème.