L'écrivain est un homme ordinaire, peut être est-il seulement plus sensible, et les hommes trop sensibles sont toujours plus fragiles. L'écrivain ne s'exprime ni en porte-parole du peuple ni en incarnation de la justice ; sa voix est forcément faible, cependant c'est précisément la voix de cette sorte d'individu qui est beaucoup plus authentique.
Lorsqu'on ne considère pas la littérature comme un gagne-pain, mais que l'on écrit de manière à en tirer du plaisir et à oublier pourquoi on écrit et pour qui on écrit, l'écriture devient indispensable, il est impossible de ne pas écrire et la littérature est inéluctable. La littérature est sans utilité, c'est justement une de ses caractéristiques intrinsèques. Que l'écriture littéraire devienne un métier est le résultat malheureux de la division du travail dans la société moderne, et pour l'écrivain, une conséquence extrêmement fâcheuse.