Ce sont des âmes d'ancêtres qui nous occupent, substituant leur drame éternisé à notre juvénile attente, à notre patience d'orphelins ligotés à leur ombre de plus en plus pâle, cette ombre impossible à boire ou à déraciner, – l'ombre des pères, des juges, des guides que nous suivons à la trace, en dépit de notre chemin.
Et voilà, pense Mourad, le charme est passé, je redeviens le manoeuvre de son père, elle va reprendre sa course à travers le terrain vague comme si je la poursuivais, comme si je lui faisais violence rien q'en me promenant au même endroit qu'elle, comme si nous ne devion jamais nous trouver dans le même monde, autrement que par la bagarre et le viol. Et voilà. Déjà elle me tutoie, et le me dit de la laisser, comme si je l'avais prise à la taille, surprise et violentée, de même que les paysans sont cencés l'avoir surprise et l'avoir violentée rien que par le fait de l'avoir vue, elle qui n'est pas de leur monde ni du mien, mais d'une planète à part, sans manoeuvres, sans paysans, à mois qu'ils ne surgissent ce soir même dans ses cauchemars...
Ce qui va dans ta poche va dans la nôtre.
Ils font ensuite la sieste, mais Rachid sursaute à mainte reprise, songeant à l’araignée qui le fixe, prisonnière elle aussi ; « on dirait qu’elle se sent seule, qu’elle cherche de la compagnie, des caresses peut-être » ; Rachid défait sa ceinture ; il tient la boucle, pour ne pas réveiller P’tit Joe ; Rachid donne un grand coup sur l’araignée ; elle lui saute au cou, gracieuse, reconnaissante, sans rancune.
Toute petite, Nedjma est très brune, presque noire; c’est de la chair en barre, nerfs tendus, solidement charpentée, de taille étroite, des jambes longues qui lui donnent quand elle court, l’apparence des calèches hautes sur roues qui virent de droite et de gauche sans dévier de leurs chemins; vastitude de ce visage de petite fille! La peau, d’un pigment très serré, ne garde pas longtemps sa pâleur native; l’éternel jeu de Nedjma est de réduire sa robe au minimum, en des poses acrobatiques d’autruche enhardie par la solitude; sur un tel pelage, la robe est un surcroît de nudité; la féminité de Nedjma est ailleurs; le premier mois d’école, elle pleure chaque matin; elle bat tous les enfants qui l’approchent; elle ne veut pas s’instruire avant d’apprendre à nager; à douze ans, elle dissimule ses seins douloureux comme des clous, gonflés de l’amer précocité des citrons verts; elle n’est toujours pas domptée; les yeux perdent cependant de leur feu insensé; brusque, câline et rare Nedjma! Elle nage seule, rêve et lit dans les coins obscurs, amazone de débarras, vierge en retraite, Cendrillon aux souliers brodés de fils de fer; le regard s’enrichit de secrètes nuances; jeux d’enfant, dessin et mouvement des sourcils, répertoire de pleureuse, d’almée ou de gamine? Épargnée par les fièvres, Nedjma se développe rapidement comme toute Méditerranéenne; le climat marin répand sur sa peau un hâle, combiné à un teint sombre, brillant de reflets d’acier, éblouissant comme un vêtement mordoré d’animal; la gorge a des blancheurs de fonderie, où le soleil martèle jusqu’au coeur, et le sang, sous les joues duveteuses, parle vite et fort, trahissant les énigmes du regard.
dubac paule . on boit son prénom comme de l'air . on le fait revenir . on le lance loin . paule . malheur de s’appeler mustapha .française . france .elle a une auto ? mais elle mange de porc . d'abord , elle n'as pas faim .on dit rien si elle casse la craie . elle a cent cahiers neufs .elle peut écrire des lettres . ses parents ont un château fort ? c'est loin d'ici .elle est venu en car . avec son fiancé . fi an cé .
Constantine et Bône, les deux cités qui dominaient l’ancienne Numidie aujourd’hui réduite en département français… Deux âmes en lutte pour la puissance abdiquée des Numides. Constantine luttant pour Cirta et Bône pour Hippone comme si l’enjeu du passé, figé dans une partie apparemment perdue, constituait l’unique épreuve pour les champions à venir.
Fallait rester au collège, au poste.
Fallait écouter le chef de district.
Mais les Européens s’étaient groupés.
Ils avaient déplacé les lits.
Ils se montraient les armes de leurs papas.
Y avait plus ni principal ni pions.
J'ai honte d'avouer que ma plus ardente passion ne peut survivre hors du chaudron...
C'est pourquoi, plutôt que de te promener au soleil, je préférerais de beaucoup te rejoindre dans une chambre noire, et n'en sortir qu'avec assez d'enfants pour être sûr de te retrouver. Et seule une troupe d'enfants alertes et vigilants peut se porter garante de la vertu maternelle...
Et les fils des chefs vaincus se trouvaient riches d’argent et de bijoux, mais frustrés ; ils n’étaient pas sans ressentir l’offense, sans garder au fond de leurs retraites le goût du combat qui leur était refusé ; il fallut boire la coupe, dépenser l’argent et prendre place en dupes au banquet ; alors s’allumèrent les feux de l’orgie.