Calligraphier avec le mouvement de l'oiseau aux ailes d'or qui fend la mer d'azur pour soulever le dragon et la sûreté de l'éléphant qui embaume, ouvrant les eaux du fleuve qu'il traverse...
A ce moment même où il se tenait devant cette peinture délabrée, cet oiseau avait commencé à prendre vie dans son imagination. L’espace d'un instant, il avait vu l'immense oiseau agitant ses ailes d'or, tournoyer dans le ciel d'azur profond de quatre-vingt-dix-mille li, fendant avec force la mer pour y saisir un dragon.
La peinture est celle de l'âme. On peint son âme en empruntant l'objet. Il n'est pas nécessaire de s'attacher à la réalité formelle de cet objet.
Ce qui le poussait dans la débauche et le gaspillage, c'était ce curieux cercle vicieux qui le menait de la prise de conscience au sentiment du vide. Le plaisir vulgaire entrainait l'impression de vide, puis ce vide provoquait une nouvelle recherche du plaisir.
Quand son maitre, assis devant son bureau, avec un sourire imperceptible comme s'il sommeillait, était plongé dans un univers tranquille où son âme n'était plus que la lueur crépusculaire de sa gloire d'antan, ou bien qu'avec un regard brillant d'une lueur étrange il faisait danser son grand pinceau comme un typhon, ou encore quand il dessinait des iris ou caressait sa harpe komun'go dans l'ombre du rosier sauvage de l'arrière-cour, avec toute la noblesse d'un ermite, sa vie paraissait à Kojuk exemplaire et vénérable.
La peinture était pour Soktam la peinture de l'âme, alors que le disciple se voulait plus fidèle à l'objet qu'à son essence.