Le serment de Sarah

Sarah avait les mains occupées, mais son esprit disposait de trop de liberté. Elle se plut à revoir Abel en pensée : quand il l’avait aidée à se relever durant l’assemblée ; la rencontre, par hasard, à l’infirmerie ; son visage éclairé par la lune à minuit dans le chemin, sa voix lui disant ses secrets à la grange et cet après-midi même sur la colline, quand sa façon de la regarder avait démenti ses « amen ». Elle était alors protégée par le manteau de mère Anne, mais elle se demandait à présent si elle désirait vraiment être protégée. D’un côté elle le voulait : être réchauffée jusqu’à la fin de ses jours, en sécurité dans l’amour de la communauté, mais d’un autre côté, elle aurait souhaité avoir l’audace de se défaire du manteau et de se promener encore au clair de lune, frère Abel auprès d’elle.