En l'an 2075, les hommes ont commencé à coloniser l'espace. Astroports et cités souterraines sur la Lune, stations spatiales en orbite autour de la terre, expériences scientifiques sur Mars, il y a même un projet de voyage jusqu'à Jupiter qui a vu le jour. Parmi ces hommes et ces femmes qui gravitent dans l'espace, il y a bien sûr des astronautes, des scientifiques, des hommes d'affaire. On trouve aussi des professions d'une incroyable utilité, et pourtant peu reluisantes, comme celle de ramasseur de débris. le DS-12 est un vaisseau de récupération de débris dont l'équipage est composé de Fi Carmichael, de Yuri (un Russe qui a perdu sa femme à cause d'un débris spatial) et de Hachimaki, un jeune Japonais idéaliste dont le rêve est de posséder sa propre navette. Leur but est d'empêcher, à leur petite échelle, la formation du syndrome de Kessler : en présence de nombreuses objets en orbite spatiale autour de la Terre, la multiplication des débris est potentiellement exponentielle. Si rien n'est fait, la Terre peut se retrouver isolée du reste de l'espace à cause de cette ceinture de débris.
Tout au long de ce très volumineux manga, le lecteur suit une aventure spatiale dont la force réside dans la proximité que peut ressentir le lecteur envers les personnages. Car cette aventure, toute spatiale qu'elle soit, est celle d'hommes et de femmes qui nous ressemblent : des mères qui partent loin de leur famille pour travailler (Fi), des jeunes idéalistes qui perdent peu à peu leurs illusions (Hachimaki), d'autres qui cherchent une famille (Tanabé), d'autres enfin qui pleurent les êtres aimés et disparus (Yuri). L'homme a simplement étendu son champ d'action, il ne s'est pas fondamentalement métamorphosé.
Si l'homme apporte avec lui ses débris, il apporte aussi la guerre, le terrorisme, ses courants politiques antagonistes, ses questions philosophiques, ses ambitions scientifiques et technologiques. En cela, Planètes pose la question du rapport entre l'homme et l'univers de façon très complète. L'homme, composé de matière, se trouve à la fois dans l'univers (en tant que composante) et hors (l'espace en tant que territoire à conquérir, donc extérieur à l'homme). Au-delà, l'infinité de l'univers ramène les hommes à leur solitude : physique, bien-sûr, mais aussi psychologique et, donc, sentimentale. Ce questionnement bouleverse notamment Hachimaki et ce avec d'autant plus de violences lorsqu'il rencontre Tanabé.
En venant dans l'espace, l'homme y apporte ses conflits : guerre internationales, luttes asymétriques aussi entre les Etats d'une part et des organisations clandestines d'autre part.
Yukimura développe notamment l'idée d'une organisation qui milite contre la présence de l'homme dans l'espace puisque celle-ci serait nécessairement néfaste (par la pollution que l'homme engendre). Là aussi, de façon plus large, se pose la question de l'exploitation d'un territoire comme l'espace et de l'empreinte de l'homme sur celui-ci. L'homme pollue, certes, mais l'homme exploite aussi les ressources naturelles. Parmi elles, l'Helium 3, nouvelle source d'énergie qui a remplacé le pétrole.
La science-fiction développée dans Planètes est réaliste : c'est en cela qu'elle est intéressante. Elle prend pour matière première une humanité dont les aspirations, éternelles, ressemblent aux nôtres.