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Critique de Jolap


Ce livre de notre ami sur Babelio Alain Yvars ( jvermeer) est un hommage à Vincent van Gogh. Il tient la plume mais c'est Vincent qui dicte. Il se transforme, le temps d'un ouvrage, en passeur d'idées. Non, pas tout à fait un passeur d'idées, beaucoup plus fort. En diseur de passion, de désespoir, de travail et d'émotions. Nous sommes à Auvers sur Oise en 1890.

Un texte baigné de couleurs qui claquent, des tons purs "qui excitent les yeux", des verts bleutés accrochés au feuillage des arbres, des rouges vermillon "écrasés sur la toile et étalés avec délectation" "le bleu qui lacère la toile". Une explosion en somme!

Alain nous offre un texte débordant de sensibilité où la nature, plus vivante que jamais, accompagne le geste du peintre et lui impose ses changements d'humeur, ses nuances à peine perceptibles et ses exigences souvent difficiles à interpréter. Et van Gogh, sous la plume soumise fidèle et autorisée de l'auteur, adopte sous nos yeux une technique qui, loin d'être reposante, "transforme cette végétation pacifique en un brasier agressif".

Alain dans ses habiles commentaires, dans ses billets évoque souvent les ciels dans la peinture en général. Boudin, Ravier et tant d'autres. Il en parle bien. Il en parle souvent. Et ici il demande à son ami Vincent van Gogh de les évoquer: "les ciels mouvants et lourds" reflétant son émotion intérieure. Une émotion mouvante lourde, immense et sans limite........

L'auteur fait une promesse au lecteur. Promesse de vivre tout près de Vincent. Promesse de mieux cerner ce que fût, la dernière année de sa courte vie, la vie amicale, sentimentale et familiale d'un peintre de génie et surtout promesse de mieux comprendre qu'on ne peut donner à l'art une oeuvre unique, grandiose, avant-gardiste, que si le talent s'accompagne d'un don de soi entier, sans concessions, sans restrictions et avec dommages. "La spontanéité est le seul chemin que je m'autorisais" souligne Vincent. Nous le comprenons au fil des pages.

Je pense à une phrase de Christian Bobin:" Quelle que soit la personne que tu regardes sache qu'elle a déjà plusieurs fois traversé l'enfer".

Bien qu'il soit mort très jeune, Vincent van Gogh, a essayé désespérément d'être heureux. Il n'a réussi de son vivant ni a aider les autres, ni à s'aider lui-même. Est-ce le destin des artistes incompris? A la lumière de ce texte le lecteur ressent l'urgence. L'urgence de s'engager à fond avec une force venue d'on ne sait où. L'urgence de nourrir un puissant désir de progresser et d'atteindre un but indéfinissable fait de lumière et d'harmonie. L'urgence d'arrêter la progression du décalage avec les fonctions et les attitudes plus conformes? L'urgence d'en finir parce que tout devient trop compliqué?

Je viens de passer quelques heures dans l'intimité d'un très grand peintre, dôté d'un immense talent . J'ai évité de bousculer ce "vrai bazar" constitué de dizaines de toiles amassées dans sa petite chambre d'Auvers sur Oise,(classée monument historique depuis) je l'ai suivi scrupuleusement dans ce qu'il appelait "ce nid à punaises", en compagnie de son frère adoré Théo, de sa belle-soeur lucide Jo, de Madame Ravoux la serveuse un peu trop aimable, de Mr Ravoux un tantinet jaloux, de M. Martinez son compagnon de table. Je suis allée dans "le repère" des Gachet, le docteur qu'il juge aussi fou que lui et qui était aussi roux que lui, Marguerite et Paul ses enfants. J'ai senti ses émois amoureux, ses battements de coeur, ses déceptions, sa culpabilité et sa souffrance infinie. Grâce à lui J'ai approché Gauguin, Monticelli, Toulouse Lautrec. La dernière page tournée Il a bien fallu que j'atterrisse dans la réalité de ma vie quotidienne. Pas facile après un voyage pareil!

Van Gogh est autodidacte. Bien qu'ayant pris quelques cours son talent est inné avant d'être acquis. Un instinct, une sensibilité à fleur de peau, mais plus encore lorsque l'on parle de van Gogh, un don du ciel, un génie sans égal. Une peinture qui souffre, qui jaillit. Une peinture en mouvement exaltée et tellement vivante!

Van Gogh a, en son temps, réinventé la peinture, laissant aux peintres académiques le soin de reproduire fidèlement ce qu'ils voyaient. Autodidacte en grande partie tout comme d'autres artistes célèbres ( Suzanne Valadon, Utrillo, Gauguin, Frida Kahlo, et dans d'autres domaines, Beethoven, Mozart en grande partie, Richard Wagner, Louis Amstrong, David Bowie, Elton John). Alors une question me taraude. L"apprentissage académique, véritable technique avec ses lois, ses règles et ses obligations, ses limites laisse t-il suffisamment de liberté aux artistes pour exprimer, expulser (j'ose) ce qui vit déjà en eux et qui ne demande qu'à éclore spontanément? Bousculer les codes sans le savoir est une belle entrée en matière à la création je trouve! N'est-ce pas le moment propice à une âme sensible et bouillonnante d' inventer une nouvelle expression libre de toute enchaînement, un nouveau langage?

Dans le cas de van Gogh c'est une nouvelle peinture, alimentée certes par de nombreuses influences mais qui sort du cadre. Vaste sujet.....

J'ai aimé cette compagnie insolite et précieuse. Je remercie chaleureusement Alain de m'avoir adressé ce livre. Un cadeau d'une grande valeur à mes yeux. Un beau travail mais de cela je ne doutais pas un seul instant!

Au fait Alain, selon vous Van Gogh s'est-il suicidé ou bien a t-il été tué accidentellement par les deux garnements qu'étaient René et Gaston Secrétan?

Cet ouvrage de grande qualité ouvre un autre chapitre de la merveilleuse histoire de l' art qui malgré certaines tragédies n'aura jamais fini de nous surprendre et de nous faire rêver.














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