-Tu es vraiment défaitiste !
-Il ne s’agit pas de cela, je dis seulement que la fin ne justifie pas les moyens.
-Mais tout le monde fait comme moi, tu dois savoir que la première chose que j’ai apprise lors de mon stage de formation chez Monsieur Tawahed, le grand architecte, c’est comment manger et laisser manger, comme on dit.
-Ah bon, c’est donc une partie intégrante de ta formation !
-Oui, si tu n’es pas conciliant, personne ne travaillera avec toi et tu feras faillite. C’est la loi du marché.
Samia se révoltait souvent face au tempérament de sa mère marquée, depuis des années, par la docilité et la résignation. Un tempérament dont elle ne pouvait pas guérir si elle continuait à refuser de réfléchir de manière différente sur le sens de la destinée humaine. Samia tentait de lui expliquer que la vie ne valait pas la peine d’être vécue si l’on n’essayait pas d’en tirer la meilleure part.
En l’espace de deux jours, Zeïna avait perdu sa gaieté, ses rêves et ses espérances. Elle était totalement anéantie, en proie à de nouvelles crises. Elle pleura pendant deux semaines au moins. Après quoi, elle reprit ses affaires et remonta dans sa montagne, là où l’homme, l’animal le plus redoutable de tous, se faisait plus rare.
C’était encore un de ces moments quasiment féeriques, où l’imaginaire d’un garçon de mon âge se plaisait énormément. Cet exercice verbal qui ne manquait pas de charme, ravissait déjà mon oreille malgré mon manque de compréhension. J’essayais de prendre ce que la mémoire orale collective de mon pays me cédait, mais l’on ne devient pas un porteur de songes du jour au lendemain. Faut-il simplement souligner ici, que l’adulte que je suis devenu, fut marqué à jamais par ce langage poétique, très raffiné !
Comme pour la majorité des Marocains, la cérémonie du mariage avait une importance extraordinaire. En dehors de ladite cérémonie couverte d’étincelles et guindée à souhait, toute autre considération était, pour ainsi dire, sans poids ni intérêt…
Dès la fin de la première fête, il fallait se préoccuper de la seconde. Il fallait doubler d’effort pour montrer à tout Marrakech que Mr et Mme Kharmouji mariaient leur fils.