Mon sac à dos habitué aux manuels scolaires était rempli du matériel de survie : lampe de poche, couteau suisse, bous- sole, parka moutarde, harmonica, quelques livres et un carnet pour que tout soit noté, pour la postérité. En me voyant étu- dier des cartes en cachette pendant la récré, Joey avait dit que j’étais bien trop fragile pour une aventure aussi risquée. Joey était jaloux. Pendant qu’il allait s’emmerder chez les scouts, je serais en train de voir ce que ça fait de pas avoir de chez-soi, comme un parfait inconnu, comme une pierre qui roule.
Quand il m’a déposé à la gare, mon père m’a filé trente dollars et a recommencé à faire semblant que tout irait bien, qu’on se verrait un week-end sur deux et que l’équipe des Browns irait au Superbowl. Sans prévenir, il m’a pris dans ses bras et, comme il n’avait pas fait ça depuis la fois où j’avais failli mourir en tombant de vélo, ça m’a fait quelque chose. Sa voiture a disparu dans un embouteillage et m’a laissé orphe- lin. Libre et triste
Un jour, il allait falloir que j'aie avec eux une petite discussion sur la différence entre l'audace et l'avidité. L'audace, c'est bien, c'est nous, c'est l'enfance. L'avidité, c'est par là que tout pourrit. C'est le royaume des adultes.
« Chaque fois que j’ouvrais le News Herald, j’espérais y découvrir un avis de recherche avec une photo de ma tronche et le témoignage de mes parents morts d’inquiétude. Je ne voulais pas qu’on me trouve mais j’aurais bien aimé qu’on me cherche. Devant toi, je faisais genre de m’en foutre, que c’était nous contre le reste du monde. (…) Mais à la nuit tombée, les doutes finissaient toujours par me rattraper. »
-On est des filles, j ‘ai dit à Dalila, donc on a nos règles, donc on a besoin de serviettes hygiéniques. Pourquoi on le cacherait ? Ça aide personne de laisser les mecs grandir en sachant rien du corps des filles ou en croyant que c’est sale.
On faisait au mieux pour limiter nos besoins mais il suffisait d'un bon slogan ou d'une enseigne de fast-food pour que l'envie de consommer reprenne le dessus. Peut-être que c'était naturel après avoir été isolés aussi longtemps. Ou alors, plus inquiétant, peut-être qu'on avait ça en nous et que mes efforts pour nous préparer à une société plus juste valaient que dalle face à un bon vieux Big Mac.
C'est un endroit sans nom,
où viennent tous les perdus
Si ça avait un nom,
on ne l'a jamais su
Quand on parle ici,
on dit tout simplement
Maison, douce maison,
C'est comme un chuchotement :
Maison
douce maison.
Pondre trois gamins, ça suffit pas pour être mère .
Les adultes nous répètent toujours qu'on rêve, que ça ne va pas changer du tout au tout ni du jour au lendemain... Mais ça peut pas être des raisons suffisantes pour ne rien tenter, tu ne crois pas ?
Qu'on soit chrétien, juif ou musulman, c'est ça qu'il faut combattre. L'intolérance, la violence, la misogynie, tout ce qui ronge la liberté.
« Ce que je voulais, c’est qu’on soit une zone sans violence : il fallait que les garçons désapprennent ce qu’ils croyaient savoir de leur supériorité sur les filles, qu’il arrêtent de se balader en bande comme si les espaces n’appartenaient qu’à eux, il fallait que les riches désapprennent ce qu’ils pensaient avoir de plus que les pauvres. «