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Citations sur Jusque dans nos bras (29)

"A vaincre sans péril on triomphe, en réalité, sans joie."
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A l'époque tu ne te demandes pas pourquoi c'est toujours les blonds les gentils et les bruns les méchants, comme si c'était normal que Boucle d'Or, Boucleline, Candy, La Belle au bois dormant et Grace Kelly inspirent la confiance, comme si le blanc de leur peau et le doré de leurs cheveux étaient des gages de bonne foi. (Livre de Poche, réédition 2015, p. 20)
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Je commençais une grande entreprise d'algérisation de moi-même. D'abord j'avais découvert que la tache de naissance sur mon ventre avait la forme de l'Afrique. J'étais formidablement heureuse de trouver enfin une particularité physique qui me paraissait souligner mon appartenance à l'Algérie, et quand le Papamaman se moquait de ma théorie et demandait si je croyais que tous les français avaient la carte de France ou le guide Michelin imprimés sur le ventre, je ne répondais pas et je ne réfléchissais même pas à la question.
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Bien sur tu pourrais retourner vers eux, revoir leurs bras qui ont perdu ta forme, t'allonger sur leurs oreillers qui ont perdu ton parfum, lire sur la moitié de leur bibliotheque les dédicaces de chacun des tes cadeaux. Tu pourrais meme redire je t'aime mais il n'y ara plus cette attente, il n'y aurait plus cette traque de l'indice, et puis tu sais comme ils baisent, et leur maniere de prononcer ton nom ne te retournerait le ventre qu'a cause de tous les souvenirs, meme celui qui de sa voix trop grave faisait saturer les basses de son telephone, le souvenir rend le couteau des douleurs moins affûté, il te gaine le coeur, il matelasse l'espace amoureux"

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Tu te rappelles, toute une collection de minuscules souvenirs sans importance, de ceux qui n'entrent pas dans les photos, l'odeur de tes anciens appartements et quand tu fermais les volets la nuit, le petit jardin devant ton immeuble qui sentait la pluie, la terre mouillée et les feuilles sombres qui brillaient un peu sous les réverbères.
Le cerisier devant ton balcon deux ans plus tard, Mad qui mordait dans les cerises en se penchant par-dessus la balustrade, sans même les détacher de l'arbre.
Le fleuve qui charriait les plaques de glace à perte de vue.
Les bras nus du garçon d'en face quand il jonglait dans la cour.
Bien sûr que je pourrais y retourner, revoir les bâtiments, mon studio transformé en garage à deux-roues, peut-être même monter au premier étage et saluer les mêmes voisins. Mais revenir dans des lieux qui nous ont appartenu sans avoir d'autre raison d'y être que le souvenir, c'est ça qui fait de nous des étrangers, c'est de là que vient le sentiment d'avoir perdu un chez-soi, pas la tache de l'Afrique, pas le panneau de publicité jaune dans le métro qui te dit : Appelez l'Algérie, comme si l'Algérie pouvait répondre : Allô Alice ? C'est bien toi ? C'est enfin toi ?
Y retourner n'est jamais pareil. Comme si tout ne se vivait que la première fois. Après la première seconde, il n'y a déjà que le passé.
Comme pour les garçons et les hommes que tu comptes sur plus que les doigts des deux mains et que tu ne pourras jamais revivre. On ne peut pas revivre une histoire. On peut seulement revoir quelqu'un.
Sur mon canapé orange, je réfléchis. A ceux que je voudrais rencontrer à nouveau pour la première fois, ceux avec qui je voudrais revivre la première seconde, découvrir la manière dont ils sourient, prononcent mon prénom, racontent leur vie d'une manière si vendeuse que les mois qui suivent ne font que débâtir lentement le palais des légendes, ceux devant qui je voudrais à nouveau attendre la première fois qu'ils se penchent vers moi pour m'embrasser, l'instant où les bouches sont à 0,01 cm et où tout le cerveau n'est qu'une injonction violente, un FAIS-LE qui se hurle à l'intérieur, moment où ils se mordent les lèvres pendant l'orgasme, moment du premier je t'aime sur les bottes de paille à côté de mon lycée ou devant Notre-Dame.
Bien sûr que tu pourrais retourner vers eux, revoir leurs bras qui ont perdu ta forme, t'allonger sur leurs oreillers qui ont perdu ton parfum, lire sur la moitié de leurs bibliothèques les dédicaces de chacun de tes cadeaux. Tu pourrais même redire je t'aime mais il n'y aurait plus cette attente, il n'y aurait plus cette traque de l'indice, et puis tu sais comment ils baisent, et leur manière de prononcer ton nom ne te retournerait le ventre qu'à cause de tous les souvenirs, même celui qui de sa voix trop grave faisait saturer les basses de ton téléphone, le souvenir rend le couteau des douleurs moins affûté, il te gaine le cœur, il matelasse l'espace amoureux.
Revenir en étranger quand on veut trouver un chez-soi, revenir en terrain conquis quand on voudrait recommencer à partir en campagne. Un non-retour, un faux retour. Dans les deux cas, c'est impossible. Tous ces endroits que tu as quittés, tu les as perdus pour de bon.
La liste est trop longue, ce jour-là. Je regarde les photos et relis des passages de mon journal. Je croise des noms et des visages. Je me rappelle l'amour qu'ils suscitaient, et aussi les robes que j'ai osé porter et je me déteste, surtout la verte avec la fleur en strass sur l'épaule.
Bref, c'est un jour où la chiale est inévitable, presque systématique puisque chaque mot a déjà été prononcé dans d'autres circonstances, chaque mot fait résonner l'écho d'un usage passé et étire péniblement toutes les années.
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Je suis de la génération qui vivra plus mal que ses parents, je suis de la génération qui n'est pas née avec Internet mais qui a grandi avec lui, a atteint la maturité avec lui, j'ai un lien si tendre avec Internet.
Je suis de la génération du terrorisme international, je suis de la génération de la mondialisation, je suis de la génération qui ne rêve plus d'Hollywood mais de Londres, Paris, Tokyo, Singapour, je suis de la génération des traders privés de tours jumelles.
Je suis de la génération qui a rêvé Isla Modal, et la solution scientifique à l'exigence bien naturelle de disposer d'une piscine à bord d'un Airbus, je suis de la génération des rapatriés en charter, je suis de la génération du bling-bling et des Patek Philippe.
Je suis de la génération qui a perdu Bertrand Cantat et découvert la Lituanie par la même occasion. [...]
Je suis de la génération du retour à l'ordre après 68, je suis de la génération qui a tenté d'imiter 68, je suis de la génération qui rêve dès que revient le mois de mai, je suis de la génération qui ne sait plus où se situent les classes qui sont censées lutter. [...]
Je suis de la génération que l'on oblige à être écolo pour tous ceux qui ne l'ont pas été, je suis de la génération à qui l'on demande de retourner chier dans la sciure et de ne plus prendre de bains, je suis de la génération qui trouve les éoliennes belles et qui enterre des maisons sous le sol, je suis de la génération qui n'aura plus de pétrole alors qu'elle commence à peine à s'amuser avec les low cost.
Je suis de la génération qui a fêté ses dix ans pendant le génocide rwandais.
Je suis de la génération qui aime acheter des tapis de souris.
Je suis de la génération qui a vu toutes les capitales d'Europe.
Je suis de la génération de la fin des records sportifs, à moins d'avoir recours à la cryogénisation.
Je suis de la génération qui s'appauvrit, je suis de la génération qui paie les retraites, je suis de la génération qui apprend à avoir peur des vieux, je suis de la génération qui perd ses fonctionnaires, je suis de la génération à qui on a brandi le modèle scandinave, je suis de la génération qui a honte de faire des fautes en anglais puisque ce n'est plus une langue étrangère pour personne, je suis de la génération qui passe à droite par désespoir devant le paysage de gauche, je suis de la génération devant qui on démantèle l’État providence, je suis de la génération travailler plus pour gagner plus, je suis de la génération mal conseillée par les conseillers d'orientation, je suis de la génération des hedge funds et de Jérôme Kerviel, je suis de la putain de génération où l'on peut perdre 5 milliards en passant une porte et faire semblant qu'on n'a rien vu - Excusez-moi vous n'auriez-pas vu cinq milliards ? J'ai dû les perdre en sortant. Non ? Sûr ?
Je suis de la génération d'Outreau et de la vérité qui ne sort plus de la bouche des enfants.
Je suis de la génération des Beckham, de l'anorexie, des paparazzis, des stars qui sortent sans culotte et qui ne mettent pas de ceinture de sécurité à leurs enfants, je suis de la génération des taches de sperme sur les robes des stagiaires qui s'adressent solennellement à l'Amérique.
Je suis de la génération des premières dames qui sortent des disques, je suis de la génération d'Eurodisney.
Je suis de la génération de la loi Évin, je suis de la génération de la vodka-Red Bull.
Je suis de la génération des iPod, des iPhone, des clés USB, du Wi-Fi, de MSN, je suis de la génération qui compte ses amis sur Facebook, je suis de la génération qui se poke.
Je suis de la génération qui se stérilise à force d'essayer d'avoir des enfants à quarante ans.
Je suis de la génération qui a redécouvert le poker, je suis de la génération qui découvrira peut-être toutes les propriétés intrinsèques de la matière noire, je suis de la génération que ça n'impressionne plus d'aller sur la Lune. [...]
Je suis de la génération qui ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais l'inverse serait souhaitable et puis et puis je suis de la génération qui conduit des scooters, qui vole des scooters, qui peut payer des tests d'ADN pour retrouver ses scooters, je suis de la génération des 17 millions de personne qui lisent de la presse people en France, et surtout je suis de la génération à qui on ne cesse de répéter qu'elle vivra plus mal, qu'elle vivra moins bien que, je suis de la génération du chômage, de la bulle immobilière, du camp de Sangatte, du Showcase, de la naturalisation monégasque, de la fuite des capitaux, du bouclier fiscal, de l'abolition des 35 heures, de la prime des transports, du logiciel Edvige et de l'interdiction de coups de téléphone sur simple soupçon que j'appartiens à une bande organisée, à une génération sans ordre, à la génération qui a perdu Kurt Cobain mais à qui on répète qu'elle peut gagner la bataille du pouvoir d'achat.
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Et la Maman sort enfin de son silence pour me dire de faire ce que je veux. Le Papa se fige et lui demande ce qu'elle raconte.
La Maman dit qu'elle ne laissera pas des lois nazies priver sa fille de son meilleur ami et que j'ai raison de me battre pour qu'il reste avec moi. Elle dit que j'ai le droit d'être, moi aussi, une génération de combat parce que, contrairement à ce qu'il peut croire, le combat ne s'est pas fini avec le Papa. Tant mieux si lui a pu obtenir une victoire personnelle sur la société mais ses filles ne peuvent pas être toute leur vie l'étendard qui lui prouve qu'il a gagné. Il faut que je décide toute seule de dormir sur les lauriers que le Papa a gagnés pour moi sans même que je m'en aperçoive ou de me battre à mon tour. Parce que non, non le combat n'est pas fini, le combat ne sera fini que lorsque tous ceux qui veulent une place ici l'auront trouvée et la Maman dit : C'est dans la Déclaration des droits de l'homme, nul n'a le droit de priver quelqu'un de sa nationalité ou du droit de changer de nationalité. Le Papa murmure : Il se passe quoi ici ? On est encore en putain de 68 ? Et la Maman : Non, on est en putain de 1940 ! Qu'est-ce que c'est que tout ce bordel dehors et personne qui ne fait rien ? Des tests génétiques ? Un "détail de l'Histoire" ? Une "immigration choisie" en fonction du QI des postulants ?
A ce stade de la conversation, je perds le droit à la parole parce que tout se déroule désormais entre eux deux.
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Facebook
Peut-être qu'on en est tous là parce qu'on a maladivement peur de se perdre les uns les autres et que ça nous permet d'avoir une petite prise sur toutes les vies qu'on a croisées. Ce n'est pas un moyen de communication, en réalité, mais une collection de gens dont on ne veut pas penser qu'ils puissent être définitivement sortis de nos vies. Qu'on surveille patiemment, qu'on épie à travers les photos et les statuts su lesquels, de temps en temps, on fait un commentaire, juste pour avoir l'impression que, bien sûr, ils font encore partie de notre existence.
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Je suis de la génération des iPod, des iPhone, des clés USB, du Wi-Fi, de MSN, je suis de la génération qui compte ses amis sur Facebook, je suis de la génération qui se poke... Je suis de la génération qui ne peut pas accueillir toute la misère du monde. 
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Pour parfaire ma tenue canon, j'ai une paire de chaussures compensées avec des semelles vraiment larges et vraiment hautes, comme celles que portent les Spice Girls sur un des posters de ma chambre, l'imprimé du drapeau américain en moins, et j'adore appeler ça "platform shoes", même si le nom et l'aspect de la chaussure font rire le Papamaman qui propose sans arrêt de les passer sur la balance histoire de vérifier si oui ou non elles atteignent la tonne. Je me fous totalement de ses sarcasmes parce que à chaque fois que je dis "platform shoes" j'ai l'impression de porter aux pieds des barils de pétrole et de faire partie de l'OPEP et à ce moment-là, au collège, tu n'as pas du tout en tête les slogans que tu crieras plus tard comme Pas de sang pour le pétrole, c'est juste un synonyme de richesse, d'être honteusement riche, et tu t'imagines bien que tu pourras t'acheter ta propre veste Sergio Tacchini parce que Coralie fait exprès de dire que c'est la sienne à chaque fois qu'on te complimente sur ta tip-top tenue. Donc tu te méfies, même si tu lui as fait promettre le contraire, tu te méfies d'elle parce qu'elle pourrait le faire devant l'un des garçons à mobylette et peut-être même, ce qui serait la chouma absolue, devant Emilio Ramirez qui est le plus beau d'entre eux.
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