— Je pense que vous constaterez, poursuit Aldous, que la mort n'est qu'une autre partie de la vie, Elizabeth. A la longue, peut-être finirez-vous par voir votre mort comme une naissance.
Les gens en général, tu t'en rendras compte, ne sont pas tout bons ou tout mauvais. Quelquefois ils sont un tout petit peu bon et énormément mauvais. Et quelquefois, ils sont bons avant tout avec une pointe de mauvais. Quant à la majorité d'entre nous, eh bien, nous nous situons quelque part au milieu.
Il y aura d'autres vies. [..]Et il y aura d'autres vies pour les traites impayées, pour les aventures d'un soir, pour Prague et pour Paris, pour les souliers trop petits à bout pointus, pour les incertitudes et les revirements. Et il y aura d'autres vies pour que les pères conduisent leurs filles à l'autel. Et il y aura d'autres vies pour d'adorables bébés à la peau comme du lait. Et il y aura d'autres vie pour un homme que vous ne reconnaîtrez pas, pour un visage dans la glace qui ne sera plus le vôtre, pour enterrer ses proches, pour vous tasser , pour voir vos dents tomber [...]Oh, il y a tellement de vies! Nous adorerions pouvoir les vivre en même temps et non une par une. Nous pourrions choisir les meilleurs moments de chacune d'elles, puis les enfiler comme des perles. Mais ce n'est pas comme ça que cela marche.
Sur Ailleurs, nous nous imaginons bêtement savoir ce qui va se passer sous prétexte que nous savons combien de temps il nous reste. Cela, nous le savons, d'accord, mais nous ne savons jamais ce qui va advenir.
Fut un temps où Liz redoutait le moment où elle se mettrait à oublier les choses mais lorsqu'elle avait effectivement commencé à oublier, elle avait oublié d'avoir peur d'oublier.
On peut être heureux de différentes façons...
Lise avait été heureuse. C'était extraordinaire… Pendant tout son séjour sur terre, elle ne s'était pas considérée comme quelqu'un de particulièrement heureux. Comme beaucoup de gens de son âge, elle avait été sujette à des sautes d’humeur et à des coups de cafard dont elle trouve aujourd’hui les raisons totalement stupides : elle n’avait pas été la coqueluche du lycée, elle n’avait pas de petit ami, son frère lui tapait parfois sur le système, et elle avait des taches de rousseur. A de multiples égards, elle avait vécu comme si elle attendait que toutes les choses bien arrivent : habiter seule, aller à la fac, conduire une voiture. Aujourd’hui, Liz voir enfin la réalité en face. Elle avait été heureuse. Heureuse, heureuse, heureuse. Ses parents l’avait aimée ; sa meilleure amie avait été la fille la plus compréhensible et la plus merveilleuse du monde ; le lycée avait été facile ; son frère n’avait pas été si abominable que ça ; son carlin s’était plus à dormir à côté d’elle dans le lit ; et puis, oui, elle était même passé pour jolie. Jusqu’à une semaine plus tôt, sa vie s’était déroulée sans la moindre anicroche. Son existence avait été heureuse et simple, et maintenant cette existence était terminée.
La vie ne se mesure pas en heures et en minutes. C’est la qualité qui compte, pas la longueur.