Donato Carrisi s'est fendue d'une citation inscrite sur la page de couverture de ce livre de Mirko Zilahi au titre plus géographique qu'évocateur «
Roma. » Il a bien fait. Ce
roman lui ressemble. Noir, intense, prenant, à l'intrigue fouillée, aux personnages forts comme celui du commissaire Enrico Mancini, figure centrale de ce thriller. Un homme particulièrement tourmenté par le décès récent de sa femme atteinte d'un cancer. Un homme si perturbé qu'il porte en permanence les gants de sa femme. Un homme qui ne sait pas trop où il en est et qui n'a plus que le travail pour échapper à ses tourments puisque l'être aimé n'a pu lui offrir de descendance.
Il se lance alors dans deux enquêtes parallèles. L'une qu'il refusait de suivre pour s'occuper d'une autre qui lui tenait à coeur (la disparition précisément du médecin de sa femme) et que la hiérarchie lui ordonnait de cesser… pour l'heure. La priorité est donc donnée à ce tueur en série qui s'adonne à d'atroces rituels dans un jeu de pistes bien énigmatique.
Cela l'altère de plus en plus car cela le mène vers un trouble de la personnalité borderline dû bien sûr à son malheur antérieur. Il doit en effet enquêter dans un hôpital et dans un service, l'oncologie, qu'a connu son épouse Marisa. Et alors qu'il ne se sent plus capable de poursuivre ses investigations, qu'il donne sa démission, la deuxième enquête rejoint la première.
Ce thriller est sombre, très sombre, angoissant même, à telle enseigne que le lecteur s'imprègne des émotions et des traumatismes d'Enrico Mancini mais aussi d'autres personnages comme Catarina de Marchi, une de ses adjointes.
Le comportement du tueur qui veut se venger de personnes qui n'ont pu sauver l'être pour lui le plus cher, la seule femme de sa vie, sa mère, la manière dont il massacre ses victimes sont tout aussi dérangeants.
Ce livre est puissant et le paradoxe est probablement d'avoir situé un sujet aussi morbide dans une ville aussi belle et majestueuse que Rome. On en visite les bas-fonds, les ruines de fabriques ou d'endroits désaffectés sur les rives du Tibre. On sent l'affection de l'auteur pour sa ville et tous ces endroits très spéciaux même s'il s'agit d'une ancienne usine atomique.
Dans la quête de la vérité, Mancini se pose la question existencielle de l'après, de l'espoir. Il ne se voit aucune issue. Il disserte avec un de ses adjoints, Walter Comello, cloué sur un lit d'hôpital, sur la gravité et la balistique : « oublie tout espoir Walter, lui dit-il. C'est un piège, de la poudre aux yeux. Un mot dépourvu de sens, tu dois le rayer de ton vocabulaire. C'est la pire des diversions… /… Nous aimons, nous faisons des enfants, nous allons travailler. Chacun de nous cultive un hobby de merde, pratique un sport de merde pendant toute une vie de merde. Et tu sais pourquoi ? Tu sais pourquoi nous nous agitons si fort ?
- Pour mieux vivre ?
- Pour nous divertir de la pensée de la mort.
…/… L'espoir, c'est le sentiment de l'après. Il nous éloigne de la nécessité de l'aujourd'hui.
Malgré cette sinistrose, Mancini ira au bout de sa mission, empêchant le tueur, l'Ombre de terminer la sienne. Fort heureusement pour sa propre existence.
Néanmoins, le lecteur n'aura pas la réponse sur l'avenir physique mais surtout mental de Mancini, un peu plus sur Catarina de Marchi, Walter Comello ou la Juge Giulia Foderà. Libre à lui de les inventer.
A moins que
Mirko Zilahy, vraiment dans la lignée de
Donato Carrisi, ne nous concocte un autre récit avec les mêmes personnages atypiques.