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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 11 : Au bonheur des dames (475)

- Alors, c’est décidé, reprit-il, nous la marquons cinq francs soixante… Vous savez que c’est à peine le prix d’achat.
- Oui, oui, cinq francs soixante, dit vivement Mouret, et si j’étais seul, je la donnerais à perte. [...]
- Si nous la donnons à cinq francs soixante, c’est comme si nous la donnions à perte, puisqu’il faudra prélever nos frais qui sont considérables… On la vendrait partout à sept francs.
Du coup, Mouret se fâcha. Il tapa de sa main ouverte sur la soie, il cria nerveusement :
- Mais je le sais, et c’est pourquoi je désire en faire cadeau à nos clientes… En vérité, mon cher, vous n’aurez jamais le sens de la femme. Comprenez donc qu’elles vont se l’arracher, cette soie !
- Sans doute, interrompit l’intéressé, qui s’entêtait, et plus elles se l’arracheront, plus nous perdrons.
- Nous perdrons quelques centimes sur l’article, je le veux bien. Après ? le beau malheur, si nous attirons toutes les femmes et si nous les tenons à notre merci, séduites, affolées devant l’entassement de nos marchandises, vidant leur porte-monnaie sans compter ! Le tout, mon cher, est de les allumer, et il faut pour cela un article qui flatte, qui fasse époque. Ensuite, vous pouvez vendre les autres articles aussi cher qu’ailleurs, elles croiront les payer chez vous meilleur marché. [...]
- Comprenez-vous ! je veux que dans huit jours le Paris-Bonheur révolutionne la place. Il est notre coup de fortune, c’est lui qui va nous sauver et qui nous lancera. On ne parlera que de lui, la lisière bleu et argent sera connue d’un bout de la France à l’autre… Et vous entendrez la plainte furieuse de nos concurrents. Le petit commerce y laissera encore une aile. Enterrés, tous ces brocanteurs qui crèvent de rhumatismes, dans leurs caves !

Chapitre II.
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Quand la morte saison d’été fut venue, un vent de panique souffla au Bonheur des Dames. C’était le coup de terreur des congés, les renvois en masse dont la direction balayait le magasin, vide de clientes pendant les chaleurs de juillet et d’août.
Mouret, chaque matin, lorsqu’il faisait avec Bourdoncle son inspection, prenait à part les chefs de comptoir, qu’il avait poussés, l’hiver, pour que la vente ne souffrît pas, à engager plus de vendeurs qu’il ne leur en fallait, quitte à écrémer ensuite leur personnel. Il s’agissait maintenant de diminuer les frais, en rendant au pavé un bon tiers des commis, les faibles qui se laissaient manger par les forts.
— Voyons, disait-il, vous en avez là dedans qui ne font pas votre affaire… On ne peut les garder pourtant à rester ainsi, les mains ballantes.
Et, si le chef de comptoir hésitait, ne sachant lesquels sacrifier :
— Arrangez-vous, six vendeurs doivent vous suffire… Vous en reprendrez en octobre, il en traîne assez dans les rues !
D’ailleurs, Bourdoncle se chargeait des exécutions. Il avait, de ses lèvres minces, un terrible : « Passez à la caisse ! » qui tombait comme un coup de hache. Tout lui devenait prétexte pour déblayer le plancher. Il inventait des méfaits, il spéculait sur les plus légères négligences. « Vous étiez assis, monsieur : passez à la caisse ! – Vous répondez, je crois : passez à la caisse ! – Vos souliers ne sont pas cirés : passez à la caisse ! » Et les braves eux-mêmes tremblaient, devant le massacre qu’il laissait derrière lui. Puis, la mécanique ne fonctionnant pas assez vite, il avait imaginé un traquenard, où, en quelques jours, il étranglait sans fatigue le nombre de vendeurs condamnés d’avance. Dès huit heures, il se tenait debout sous la porte, sa montre à la main ; et, à trois minutes de retard, l’implacable : « Passez à la caisse ! » hachait les jeunes gens essoufflés. C’était de la besogne vivement et proprement faite.
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Du reste, pourquoi étalez-vous tant de marchandises ? C’est bien fait, si l’on vous vole. On ne doit pas tenter à ce point de pauvres femmes sans défense.

Chapitre IX.
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- Mais, voyons, toi qui es de la partie, dis-moi s’il est raisonnable qu’un simple magasin de nouveautés se mette à vendre de n’importe quoi. Autrefois, quand le commerce était honnête, les nouveautés comprenaient les tissus, pas davantage. Aujourd’hui, elles n’ont plus que l’idée de monter sur le dos des voisins et de tout manger… Voilà ce dont le quartier se plaint, car les petites boutiques commencent à y souffrir terriblement.
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Mais [Mouret] regardait toujours [Denise], dans sa petite robe noire, coiffée de son chapeau garni d’un seul ruban bleu. Est-ce que cette sauvageonne finirait par devenir une jolie fille ? Elle sentait bon de sa course au grand air, elle était charmante avec ses beaux cheveux épeurés sur son front. Et lui qui, depuis six mois, la traitait en enfant, qui la conseillait parfois, cédant à des idées d’expérience, à des envies méchantes de savoir comment une femme poussait et se perdait dans Paris, il ne riait plus, il éprouvait un sentiment indéfinissable de surprise et de crainte, mêlé de tendresse. Sans doute, c’était un amant qui l’embellissait ainsi. À cette pensée, il lui sembla qu’un oiseau favori, dont il jouait, venait de le piquer au sang.
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- Madame, nous excusons ces moments de faiblesse… Je vous en prie, considérez où un pareil oubli de vous-même pourrait vous conduire. Si quelque autre personne vous avait vue glisser ces dentelles…
Mais elle l’interrompit avec indignation. Elle, une voleuse ! pour qui la prenait-il ? Elle était la comtesse de Boves, son mari, inspecteur général des haras, allait à la Cour.
- Je sais, je sais, madame, répétait paisiblement Bourdoncle, J’ai l’honneur de vous connaître… Veuillez d’abord rendre les dentelles que vous avez sur vous…
Elle se récria de nouveau, elle ne lui laissait plus dire une parole, belle de violence, osant jusqu’aux larmes de la grande dame outragée. Tout autre que lui, ébranlé, aurait craint quelque méprise déplorable, car elle le menaçait de s’adresser aux tribunaux, pour venger une telle injure.
- Prenez garde, monsieur ! mon mari ira jusqu’au ministre.
- Allons, vous n’êtes pas plus raisonnable que les autres, déclara Bourdoncle, impatienté. On va vous fouiller, puisqu’il le faut.
[...] Outre les volants de point d’Alençon, douze mètres à mille francs, cachés au fond d’une manche, elles trouvèrent, dans la gorge, aplatis et chauds, un mouchoir, un éventail, une cravate, en tout pour quatorze mille francs de dentelles environ. Depuis un an, madame de Boves volait ainsi, ravagée d’un besoin furieux, irrésistible. Les crises empiraient, grandissaient, jusqu’à être une volupté nécessaire à son existence, emportant tous les raisonnements de prudence, se satisfaisant avec une jouissance d’autant plus âpre, qu’elle risquait, sous les yeux d’une foule, son nom, son orgueil, la haute situation de son mari. Maintenant que ce dernier lui laissait vider ses tiroirs, elle volait avec de l’argent plein sa poche, elle volait pour voler, comme on aime pour aimer, sous le coup de fouet du désir, dans le détraquement de la névrose que ses appétits de luxe inassouvis avaient développée en elle, autrefois, à travers l’énorme et brutale tentation des grands magasins.

Chapitre XIV.
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Une fraîcheur tombait du ciel étoilé. [...] En face d’eux, c’était comme un mur de ténèbres, une masse d’ombre, si compacte, qu’ils ne distinguaient pas même la trace pâle du sentier. Cependant, ils allaient avec douceur, sans crainte. Puis, leurs yeux s’accoutumèrent, ils virent à droite les troncs des peupliers, pareils à des colonnes sombres portant les dômes de leurs branches, criblés d’étoiles ; tandis que, sur la droite, l’eau par moments avait dans le noir un luisant de miroir d’étain. Le vent tombait, ils n’entendaient plus que le ruissellement de la rivière.

Chapitre V.
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La direction se montrait impitoyable, devant la moindre plainte des clientes ; aucune excuse n’était admise, l’employé avait toujours tort, devait disparaître ainsi qu’un instrument défectueux, nuisant au bon mécanisme de la vente ; et les camarades baissaient la tête, ne tentaient même pas de le défendre. Dans la panique qui soufflait, chacun tremblait pour soi.

Chapitre VI.
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Oh ! je leur accorde qu'ils réussissent, mais c'est tout. Longtemps j'ai cru qu'ils se casseraient les reins ; oui, j'attendais ça, je patientais, tu te rappelles? Eh bien ! non, il paraît qu'aujourd'hui ce sont les voleurs qui font fortune, tandis que les honnêtes gens meurent sur la paille... Voilà ou nous en sommes, je suis forcé de m'incliner devant les faits. Et je m'incline, mon Dieu ! je m'incline...
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Les vendeurs ordinaires, chez moi, se font trois et quatre mille francs, plus que tu ne gagnes toi-même ; et ils n’ont pas coûté tes frais d’instruction, ils n’ont pas été lancés dans le monde, avec la promesse signée de le conquérir… Sans doute, gagner de l’argent n’est pas tout. Seulement, entre les pauvres diables frottés de science qui encombrent les professions libérales, sans y manger à leur faim, et les garçons pratiques, armés pour la vie, sachant à fond leur métier, ma foi ! je n’hésite pas, je suis pour ceux-ci contre ceux-là, je trouve que les gaillards comprennent joliment leur époque !

Chapitre III.
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