Par la suite, notre relation devint très bizarre : on passait beaucoup de temps ensemble, sans se parler, ou alors on parlait de choses anodines. Josh avait arrêté de me demander qui m'avait blessée et je ne pensais plus à le tuer. J'avais décidé de laisser les choses suivre leur cours. C'était bête de penser qu'on pouvait rester éloignés, on avait vécu trop de choses ensemble, j'avais trop de dettes envers lui. J'avais décidé aussi de lui faire confiance. J'avais été entrainée pour haïr et éliminer les êtres comme lui, mais il faisait tout pour changer, il voulait de tout cœur redevenir humain, et même si je croyais cela impossible, je n'avais pas le droit de le décourager.
La relation qui s'était développée entre Josh et moi était hors de tout contrôle. D'abord Josh avait passé une semaine à soigner les blessures que les Moudjs m’avaient infligées, pour après découvrir qu’il était en fait un Cadavre et non un ex-Esclave. J'avais juré de le tuer et à la place de tenir ma promesse, j'avais risqué ma vie pour l'aider, et voilà que maintenant il m'avait donné son sang (pour la deuxième fois!) et m'avait soignée. J'étais doublement redevable à un être que j'avais promis d'éliminer.
En arrivant, je vis les mêmes femmes qu'avant, en plus d’une dizaine de personnes assises autour de la grande table. Des Somaliens et des étrangers, pas du tout mélangés. On voyait clairement la ligne divisant les Blancs des Noirs. Ça m'énerva et juste pour provoquer, je m’assis à côté des Noirs. J'étais toujours reconnaissante envers les Africains qui me recevaient les bras grands ouverts à chaque fois que j'avais besoin d'un séjour au soleil, malgré les problèmes qui s'abattaient souvent sur le continent
- Tu sais très bien Elora, mais tu ne veux pas admettre que le lien qui nous unit est plus fort que ton dégoût pour ma vraie nature, tu ne peux pas le nier. Même si ma condition est exécrable à tes yeux, c'est trop tard, il y a des choses qui se passent entre nous qui sont plus fortes que tes préjugés.
Il avança vers moi pendant qu'il parlait, et quand il prononça ses derniers mots, ses mains étaient posées sur mes épaules.
La beauté était leur meilleure arme. Ils s’en servaient pour séduire leurs victimes, jusqu'à ce qu'elles les supplient pour se faire tuer. Ils étaient beaux, oui, magnifiques même, ce qui ne les rendait que plus odieux, plus monstrueux. J'avais appris, non sans peine, à ne pas me laisser tromper par cette beauté parfaite et artificielle, cette beauté affreuse.