AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de leylek


LES MECHANTS NE SONT PAS MAUVAIS – LAMENTATIONS SUR LES INGENIEURS DU CHAOS

Les essais nous en disent parfois plus sur leurs auteurs que sur le sujet qu'ils traitent. C'est peut-être le cas de l'analyse publiée en 2019 par Giuliano da Empoli aux Editions Lattès. « Les ingénieurs du chaos » - puisque c'est son titre – est un petit ouvrage qui se dévore d'autant plus rapidement que la plume alerte et élégante de son auteur vient comme renforcer la thèse qu'il entend défendre : en un mot les mouvements « nationaux-populistes » - du Mouvement cinq étoiles à Trump en passant par Orban et la campagne pour le Brexit– auraient connu le succès que l'on sait par l'exploitation optimale des réseaux sociaux, en détournant les algorithmes qui les caractérisent au profit des thèses politiques « illibérales » de ces acteurs ou de ces lignes politiques .

La démonstration est impeccable et elle se lit même avec passion par le ton d'enquête policière que lui confère l'auteur du « mage du Kremlin », en nimbant agents d'influence et autres spin doctors qu'il décrits d'une aura de souffre et de mystère. Il n'est reste pas moins que Giuliano da Empoli semble curieusement osciller entre trois attitudes allant de souci de probité à ses convictions libérales, de ses convictions libérales à une certaine amertume et de cette dernière à ce souci de probité intellectuelle qui irrigue tout l'ouvrage. Car que nous dit en substance da Empoli ?



Un penseur de la gauche radicale comme Frédéric Lordon considère en effet que le système a très vite réagi à la chute des représentants politiques classiques de la démocratie représentative. Dès 2017 dans l'une de ces philippiques dont il est coutumier (« Macron, le spasme du système » - le Monde diplomatique), Lordon pointait qu'il était certain « qu'un monde pourtant condamné mais encore bien décidé à ne rien abandonner finirait par se trouver le porte-voix idoine, l'individu capable de toutes les ambivalences requises par la situation spéciale » ; Et qui pourrait effectivement nier que l'homme du « en même temps » ait su agréger une « liste invraisemblable de soutiens qui va des communistes passés à droite aux ultra-libéraux restés à droite en passant par la moitié des gouvernements Chirac en exil et toute la (vaste) fraction du PS vendue au capital » ?

Si on peut ne pas apprécier Lordon et son style atrabilaire, il est pourtant difficile de nier que « Macron est, par agrégation du pire, la personnification même du système, livrant par-là d'ailleurs sa vérité ultime : l'ensemble des différences coutumières dont les fausses alternances tiraient leur dernier argument et les éditorialistes leur fourrage — « gauche » et « droite », « PS » et « LR », « Hollande » et « Sarkozy » —, n'était qu'une comédie ».

Et on se remémorera avec profit l'enseignement de Gramsci sur l'hégémonie culturelle du système dominant – en l'occurrence celui de nos démocraties libérales – qui sait très bien faire passer ses intérêts pour ceux de tous, et les vessies pour des lanternes. En somme, si les « méchants » ne sont pas nécessairement mauvais, les « bons » non plus.
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}