C'est pourtant une vérité de base que la nécessité où nous sommes de nous éprendre de quelqu'un dont nous ne savons rien.
3. « Les terroristes ordinaires, cependant, ont une supériorité manifeste sur les terroristes romantiques, en ce sens que leurs exigences (et même les plus exorbitantes) n'incluent pas l'exigence la plus démesurée de toutes : l'exigence "d'être aimé". Je savais que le bonheur que nous connaissions, ce soir-là à Paris, était illusoire, car l'amour dont témoignait Chloé manquait de spontanéité. C'était l'amour d'une femme qui se sent coupable d'avoir cessé d'éprouver de l'affection mais qui n'en essaie pas moins de faire preuve de loyauté (autant pour se convaincre, elle, que pour convaincre son partenaire). C'est pourquoi cette soirée ne me rendait pas heureux. Ma bouderie avait eu de l'effet mais son succès restait vain. » (p. 237)
2. « Bien que les chances fussent en faveur de l'inexistence de Dieu, Pascal défendait l'idée que notre foi en Dieu trouve suffisamment de justification dans le fait que les joies qu'elle apporte pèsent, en dépit de leur minceur, infiniment plus lourd que les horreurs – fussent-elles plus probables – de l'autre branche de l'alternative. Et sans doute en va-t-il de même avec l'amour. Les amants ne peuvent rester philosophes longtemps. Il leur faut céder à l'impulsion religieuse, laquelle est faite de croyance et de foi, contrairement à l'impulsion philosophique qui se traduit par le doute et les remises en question. Il leur faut parier pour le risque d'avoir tort et d'être amoureux au lieu d'être dans le doute et sans amour. » (pp. 151-152)
1. « "Je t'aime, donc je te tourmenterai. Je te fais l'honneur de t'indiquer comment tu devrais te comporter, donc je te blesserai".
[…]
C'est cette mutation de l'individuel au général qui est véritablement tyrannique : le moment où le jugement personnel est universalisé et rendu applicable à son petit (sa petite) ami(e) ou à tous les citoyens d'une nation, le moment où "je trouve ça bien" se change en "je trouve ça bien pour toi aussi".
[…]
Le rapprochement entre la politique et l'amour pourra paraître incongru mais n'est-il pas permis de déceler dans la sanglante histoire de la Révolution française et dans celle des expériences fascistes et communistes le phénomène d'une structure amoureuse identique ? N'y retrouve-t-on pas le même idéal opposé à une réalité divergente avec pour résultat une impatience (l'impatience du bourreau) devant le croissant du cercle de l'inégalité ? La politique amoureuse a pris son essor infamant au cours de la Révolution française lorsqu'il a été proposé (avec autant de liberté que dans le viol) que l'État ne se contente pas seulement de gouverner mais aussi d'aimer ses citoyens, lesquels ne pourraient plus, s'ils voulaient échapper à la guillotine, que lui rendre la pareille. Le début des révolutions est, sur le plan psychologique, curieusement comparable à celui de certaines relations intimes : l'accent est mis sur l'amitié, la croyance en la toute-puissance du couple (de la nation), le besoin de rejeter l'égoïsme antérieur, d'abolir les frontières du moi, l'ambition de supprimer les sectes (la crainte du contraire débouchant sans plus attendre sur la paranoïa des amants et (ou) la création d'une police secrète). » (pp. 107-110)
Le boudeur est une créature compliquée émettant des signaux d'une profonde ambivalence, implorant l'aide et l'attention d'autrui tout en se préparant à les rejeter si on les lui offre et qui souhaite être comprise sans avoir besoin de recourir à la parole.
La beauté donne t-elle naissance à l'amour ou est-ce l'amour qui donne naissance à la beauté ?
Mais mentir par amour implique l'idée, plus perverse, que si je ne mens pas, je ne serai pas aimé.
Aimer quelqu'un revient à s’intéresser beaucoup à lui et, en conséquence, à l'amener à saisir le sens de ce qu'il fait et de ce qu'il dit.
Je n'aimais pas Chloé pour son corps, j'aimais son corps pour la promesse de ce qu'elle était vraiment. Et cette promesse était exaltante.
J'hésite à décrire ce qui me semblait chez elle tellement dévastateur. Étaient-ce ces yeux verts, sa chevelure sombre, sa bouche, ses lèvres charnues?. J’hésite à répondre parce qu'il est toujours malaisé de traduire en mots les raisons qui vous attirent vers une personne plutôt que telle autre. Je pourrais également citer ses taches de rousseur sur son nez ou la courbe de sa nuque, mais en quoi cela pourrait il convaincre quelqu'un qui ne la trouverait pas séduisante.
La beauté, après tout, n'est pas quelque chose dont on puisse convaincre un tiers.