Comment les patients peuvent-ils s'ouvrir et explorer le monde de leurs sensations et de leurs émotions ? J'entame le processus en les aidant d'abord à observer, puis à décrire ce qu'ils perçoivent dans leur corps - non pas des émotions comme l'angoisse, la colère ou la peur, mais les sensations sous-jacentes : la pression, la chaleur, la tension musculaire, etc. Je leur apprends à identifier les sensations liées à la détente et au plaisir. Je les aide à prendre conscience de leur respiration et de leurs gestes. Enfin, je leur demande de prêter attention à leurs subtiles réactions intérieures - un tiraillement d'estomac, une gêne respiratoire - quand ils parlent d'événements négatifs qui, disent-ils, ne les dérangent pas.
Une personne aura beau développer son introspection et sa compréhension d'elle-même, son cerveau rationnel sera toujours foncièrement incapable de détourner son cerveau émotionnel de sa réalité. Je ne cesse d'être impressionné par l'extrême difficulté des gens qui ont traversé l'indicible à exprimer l'essence de cette épreuve. Il leur est beaucoup plus facile de parler de ce qu'on leur a infligé - de raconter l'histoire dans laquelle ils ont été victimes ou dont il voudraient se venger - que de repérer, de ressentir, de mettre en mots leur expérience intime.
Les alexithymiques remplacent le langage des émotions par celui de l'action.
Le terme d'agentivité désigne le sentiment d'avoir une certaine maîtrise sur sa vie : savoir où l'on se trouve, qu'on a son mot à dire sur ce qui nous arrive, et un certain pouvoir d'influer sur sa situation.
Dès l'instant où quelqu'un nous nourrit quand on a faim, nous couvre quand on a froid, ou nous berce quand on est effrayé ou blessé, on commence à acquérir ces stratégies de régulation émotionnelle.
Mais si revivre le traumatisme est dramatique, effrayant et potentiellement autodestructeur, un manque de présence peur devenir encore plus nocif. C'est particulièrement un problème avec les enfants traumatisés. Ceux qui extériorisent leur souffrance ont tendance à se faire remarquer; les enfants absents, eux, ne dérangent personne et continuent à démolir peu à peu leur avenir.
Si vous faites une chose à un patient que vous ne feriez pas à vos amis ni à vos enfants, demandez-vous si vous ne reproduisez pas inconsciemment un traumatisme de son passé.
Plus l'excitation sensorielle, viscérale, du cerveau émotionnel est vive, moins le cerveau rationnel peut la refroidir.
Ce qui est crucial, c'est que les patients apprennent à supporter de sentir ce qu'ils sentent et de savoir ce qu'ils savent.
Devoir écrire sur mes émotions m' a aidé à comprendre ce que je ressentais.