Sorti en même temps que le dernier Giacometti-Ravenne, le tome 10 de L’Épopée de la Franc-maçonnerie tente de faire sa place dans les librairies et chez les lecteurs. Le tome 10, nommé « Rédemption » se place au début du 20ème siècle à Paris sous le gouvernement d’Emile Combes. En fait, nous sommes à quelques mois de l’adoption de la loi du 9 décembre 1905 qui prône la séparation de l’Église et de l’État. Si cette loi est l’élément historique le plus connu, les auteurs ont basé leur récit sur un autre événement, « l’affaire des fiches ».
La République a été adoptée en 1870, elle est toute jeune et est menacée de toutes parts. Le général Louis André qui a été ministre de la guerre sous la IIIe République, mène des réformes en profondeur au sein de l’armée et met tout en oeuvre pour la reconnaissance de l’innocence du capitaine Alfred Dreyfus. Cette affaire crée un véritable scandale car elle donne aux républicains et francs-maçons une image de l’armée comme étant le repaire des cléricaux. Le général André sera contraint à la démission suite à cette affaire de renseignements politiques destiné à défavoriser la promotion des officiers catholiques au profit des républicains au début du 20ème siècle.
Notre histoire va suivre un franc-maçon « repenti », Jean-Baptiste Bidegain. Un franc-maçon repenti, c’est plutôt rare et notre Jean-Baptiste est quelqu’un de naïf et de très influençable. Le dessin de Michel Pierret retranscrit très bien les sentiments perturbés de notre protagoniste. Il se rapproche tout doucement de la mouvance catholique qui cherche à infiltrer le Grand Orient de France et voit en lui, l’homme de la situation.
Tout doucement, Jean-Baptiste va jouer un double-jeu dangereux. Ce frère que rien ne destinait à devenir la source d’un conflit auprès des membres du Grand Orient de France, tandis que notre apprenti espion alimentera en documents divers et variés le clan catholique, celui volera l’une des pierres du Temple de Salomon qui nous sert de fil rouge depuis le début de l’Épopée. Il est presque dommage que ce fil soit sous-exploité. On en parle au début et à la fin du tome. Il serait bien que les auteurs indiquent une direction à prendre.
C’est très certainement l’album le plus politique à ce jour, peut-être par la proximité dans le temps et dans l’espace. De plus, il fallait un maître en la matière pour scénariser tout ça. Jean-Christophe Camus fait parti de ces nombreux scénaristes dont j’apprécie le travail et qui a les épaules suffisamment larges pour nous pondre cette histoire. Si cette dernière est correcte et nous donne un point de vue sur les coulisses du pouvoir, le dessin se doit d’être à la mesure du récit. Pour ce tome, on part à la rencontre de Michel Pierret. Le dessinateur et scénariste de la série « Les Aigles décapités » nous livre un dessin classique, sans extravagance. Il faut coller au cadre historique et ça se ressent par le coup de crayon et la mise en couleurs un peu terne reflète l’époque.
L’album fait le job et la rencontre avec ce « judas » du Grand Orient de France fait penser à ces personnages secondaires qui sont ignorés de tous et qui « pète un plomb » en retournant leur veste. Puis se rendant compte qu’ils ont été trahis par ceux qui leurs voulaient du bien. Ce genre de développement n’a pas encore fait dans cette saga. D’ailleurs lorsqu’on feuillette le dossier de fin de Jean-Laurent Turbet, le portrait qu’on se fait va dans ce sens.
Finalement, cet album malgré la connotation politique, cela reste l’histoire d’un homme manipulé. En tout cas, ce tome 10 a le mérite de redresser la barre après un tome 9 décevant. Le tome 11 se passera dans le stalag 33. Rendez-vous à l’automne 2024.
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