BANDE ANNONCE - "Carmilla" - LE FANU & MAZZANTI .
BANDE ANNONCE - "Carmilla" - LE FANU & MAZZANTI Collection Métamorphose - Éditions Soleil EN LIBRAIRIE LE 8 OCTOBRE 2014 © ÉDITIONS SOLEIL / MAZZANTI À l?occasion du 200e anniversaire de la naissance de le Fanu, Isabella Mazzanti illustre de façon sensible, sombre et romantique « Carmilla », une ?uvre majeure de la littérature vampirique du XIXe siècle, métaphore implacable de l?amour interdit. Bram Stoker reconnaîtra plus tard la dette qu?il a envers son compatriote lors de la parution, en 1897, de « Dracula », roman devenu culte.
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Le soleil était très bas, à ce moment, et des ombres bleues s'allongeaient, rendues plus froides par le splendide contraste qu'elles formaient avec le ciel ensanglanté.
Parfois, je me disais que son esprit était dérangé. Comment expliquer autrement ces effroyables jeux d'ombres et de lumière qui passaient sur son visage ? Je discernais, me semblait-il, de la honte, de la crainte même au-delà du chatoiement de son sourire forcé.
Je suis un homme solitaire
A la fenêtre assoupie, songeant
A des choses élevées ou bien terre-à-terre,
La rêveuse soirée buvant.
La brume en suspens s'assoupit
Et je ne vois plus les étoiles,
Dans l'ouverture du voile paraît
Un très pâle visage aimé.
Le triste visage souriant
Le jeune visage de jadis
Inexorablement brillant
Dans le silence à jamais pris.
Les cheveux bruns sont devenus gris
De celui que tu aimais,
Mais fidèle à ton ombre au fil des années
Son coeur t'est à jamais acquis.
( Extrait du dernier poème de Sheridan Le Fanu) : "D'une fenêtre, A mi-voix".
Voyez comment un enfant ensommeillé s’arrange pour repousser l’inévitable moment d’aller au lit. La petite créature a les yeux qui se ferment, il faut sans cesse la secouer pour l’empêcher de sombrer dans un sommeil qui lui tend les bras. Rester éveillé, pour le bambin, est une douleur. Il est mort de fatigue, il pleurniche, il fait le bête, et pourtant il implore un délai, ne veut pas aller se coucher, jure qu’il n’a pas sommeil, même au moment où la mère le prend dans ses bras pour l’emporter, déjà endormi, dans la chambre d’enfant. Il en va ainsi de nous, vieux enfants de la terre, du grand sommeil de la mort, et de la nature, notre tendre mère. On se sépare de la conscience avec la même mauvaise grâce, tant l’image est, jusqu’au dernier moment, intéressante, et l’oiseau que l’ont tient dans la main, même malade et perdant ses plumes, a plus de prix que tous les brillants habitants des buissons. On se met stupidement sur son séant, en bâillant et clignant des yeux, et la scène entière se brouille devant nous, tandis que les histoires et les mélodies se noient dans le bruit des vents et des eaux lointaines. Ce n’est pas encore l’heure. Nous ne sommes pas fatigués. Encore une heure, et, protestant ainsi contre le lit, nous fermons les yeux pour sombrer dans le sommeil sans rêves que la nature assigne à la fatigue et à la satiété.
Avec l'âge, vient un temps où le cœur ne peut plus fondre, ne peut plus se modeler et doit conserver la forme où il s'est gelé.
Qui, un jour, a dû supporter une charge plus lourde que ne le permettait sa résistance - le faible, l'ambitieux, l'aventureux, celui qui rêve de se sacrifier, celui que les nerfs trahissent - comprendra quelles souffrances morales j'endurais parfois.
Il (le Dr Jolks) me trouva très hystérique et, après une enquête minutieuse sur mes horaires et mon régime alimentaire, demanda ce que j’avais mangé la veille au soir. Il y avait quelque chose de réconfortant dans sa façon de tourner en dérision l’hypothèse du fantôme. Le résultat fut un régime excluant le thé, imposant le chocolat et la bière brune, de me coucher tôt et que j’oublie tout le reste. Et il alla jusqu’à promettre que, si je suivais ce régime à la lettre, je ne verrai plus jamais de spectre.
Je sais que je ne puis trouver mes mots pour donner une idée de cette apparition, toute de noir et de blanc, semblait-il, vénérable, sans une goutte de sang sous la peau, le regard de feu, de puissance et une expression étonnante sur le visage - dérision ou angoisse, cruauté ou patience ?
Dieu merci, j’ai passé mon enfance dans un endroit tranquille, loin du tumulte effrayant du monde. Dans le paysage, pas de rôdeurs ; peu de capital ; aucune entreprise ; les bonnes gens, assoupis ! Les changements catastrophiques qui, ailleurs, apportent un impitoyable lot d’oubli sont ici impensables. Je regarde un paysage aussi immuable que le ciel lui-même. L’été arrive, puis disparaît ; l’automne fait tomber les feuilles, l’hiver voit venir la neige. Toutes choses demeurent ici telles que mes yeux arrondis de petite fille les ont contemplées, avec un naïf et délicieux étonnement, quand le monde s’est pour la première fois offert à eux. Les arbres, la tour, l’échalier, les pierres tombales mêmes sont mes premiers amis. Je tends les bras vers les montagnes comme si je pouvais les serrer contre mon cœur. Et, dans la trouée entre les vieux arbres, le grand estuaire s’étend vers le nord, de plus en plus large, pour se perdre à l’horizon de la haute mer.
Même dans notre maison taciturne, il semblait tout à fait impossible qu'un ange passât parmi nous quand ma cousine était là.