Citations de Shitao (21)
Si loin que vous alliez, si haut que vous montiez,
il vous faut commencer par un simple pas.
traduction de Pierre Rickmanns – les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère
« La vraie peinture ne relève pas de l’art, encore moins d’une quelconque esthétique ; elle est manière d’être. »
« Peignez l’arbre, non comme un objet perçu devant vous… mais tel qu’il "reçoit sa nature". »
« Je parle avec ma main, tu écoutes avec tes yeux ; et nous nous comprenons, n’est-ce pas, en un seul sourire. »
« Quémandant sa place, le moine Citrouille amère
Adepte sans vertu du Petit Véhicule
À cinquante ans erre encore tel un orphelin
Son corps malade plus transi qu’un bloc de glace. »
Mais l’univers a-t-il jamais vieilli ?
Verte est la montagne par-delà le ciel.
" L’oiseau seul connaît le coeur du printemps. "
" Les montagnes et les fleuves me chargent de parler pour eux ; ils sont nés en moi et moi en eux. "
"Le studio couvert de neige parfumé s’ouvre à la brume,
Sans soucis ni entraves, la vision de l’homme se libère..."
En méditation
Givre et neige ont beau refroidir ces rameaux
Ils laissent éclater leurs désirs cachés
Tronc noueux, branches dressées rabotées par les ans :
Coeur de vacuité relié à l’immémoriale origine
Ensorcelé l’homme en vient à confondre bronze verdi et chair ardente !
Ébloui par mille gemmes naguère tombées du ciel
Comment alors réprimer les cris qui jaillissent
Hommes et fleurs participent de la même folie !
Dans la peinture des scènes des quatre saisons, l'atmosphère varie, chacune ayant son climat propre...Les Anciens exprimaient ces différentes atmosphères par des poèmes; ainsi, pour le printemps :
« A chaque fois, l'herbe renaît parmi les sables,
Fleuves et nuages ensemble allongés, se rejoignent. »
pour l'été :
« Sous les arbres, il fait toujours ombreux;
Que la brise est fraîche au bord de l'eau! »
pour l'automne :
« Du haut des remparts froids, d'un regard se découvre
L'étendue désolée des forêts. »
pour l'hiver :
« Le pinceau devance le voyageur sur le long chemin du retour,
Tandis que le froid étreint les viviers, son encre coule d'autant plus fluide.»
Les propos sur la peinture de Shi Tao (Moine Citrouille-Amère)
Chapitre XIV : Les quatre saisons, extrait.
Traduction et commentaire de Pierre Ryckmans. In: Arts asiatiques, tome 14, 1966. pp. 79-150 | doi : https://doi.org/10.3406/arasi.1966.959
L'encre, en imprégnant le pinceau, doit le doter d'aisance ; le pinceau, en utilisant l'encre, doit la douer d'esprit. L'aisance de l'encre est une question de formation technique ; l'esprit du pinceau est une question de vie.
"Avoir l'encre mais pas le pinceau" veut dire que l'on est investi d'aisance que donne la formation technique, mais que l'on est incapable de donner libre cours à l'esprit de la vie. "Avoir le pinceau mais pas l'encre veut dire que l'on est réceptif à l'esprit de la vie, mais sans cependant pouvoir introduire les métamorphoses que donne l'aisance de la formation technique.
Le monde ne s'en tient pas à une seule méthode, ni la Nature à un seul don. Ceci n'est pas seulement manifeste en peinture, mais aussi en calligraphie. Bien que la peinture et la calligraphie se présentent concrètement comme deux disciplines différentes, leur accomplissement n'en est pas moins de même essence.
L'Unique Trait du Pinceau est la racine et l'origine première de la calligraphie et de la peinture.
Pour éliminer la vulgarité, il n'y a qu'un moyen: s'adonner intensivement à l'étude et à la lecture, et ainsi, des livres, s'élèvera un courant spirituel ascendant.
Je laisse les choses suivre les ténèbres des choses, et la poussière se commettre avec la poussière, ainsi mon coeur est sans trouble, et quand le coeur est sans trouble, la peinture peut naître.
Il a été dit que l'homme parfait est sans règles. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas de règles, mais que sa règle est celle de l'absence de règles, ce qui constitue la règle suprême.
Celui qui ne pourrait oeuvrer qu'à partir de la montagne et non à partir de l'eau serait comme englouti au milieu de l'océan sans connaître le rivage, ou encore serait comme la rive qui ignore l'existence de l'océan. Aussi l'homme intelligent connaît-il la rive en même temps qu'il se laisse entraîner au fil de l'eau; il écoute les sources et se complaît au bord de l'eau.
Il a été dit que l'homme parfait est sans règles, ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas de règle, mais que sa règle est celle de l'absence de règles, ce qui constitue la règle suprême.
Tout ce qui possède des règles constantes doit nécessairement avoir aussi des modalités variables. S'il y a règle, il faut qu'il y ait changement. Partant de la connaissance des constantes, on peut s'appliquer à modifier les variables; du moment que l'on sait la règle, il faut s'appliquer à transformer.
En fait, les dons qui nous viennent des sphères les plus plus inaccessibles ne se réalisent que dans le concret le plus proche, et il faut d'abord connaître l'immédiat pour pouvoir atteindre le lointain.