Citations de Jean de la Croix (122)
L’inquiétude est toujours vanité, parce qu’elle ne sert à rien de bon. Oui, même si le monde entier était jeté dans la confusion, ainsi que toutes les choses qu’il renferme, l’inquiétude à ce sujet serait vanité.
Là où il n'y a pas d'amour, mettez de l'amour et vous récolterez de l'amour.
"Je vis sans vivre en moi
et tellement j'espère
que je meurs de ne pas mourir."
[L’âme] doit avoir du courage pour ne pas s’égarer au milieu des plaisirs et des satisfactions ; de la force pour triompher des tentations et des obstacles. En cela consiste l’exercice de la connaissance de soi-même, qui est la première notion pour arriver à la connaissance de Dieu.
Tous ceux qui vont et viennent
Me racontent de vous mille beautés
Et ne font que me blesser davantage,
Mais ce qui me laisse mourante
C’est un je-ne-sais-quoi qu’ils sont à balbutier.
[Strophe VII]
Pour rechercher mon Bien-Aimé,
J’irai par ces monts et ces rivages,
Je ne cueillerai pas de fleurs,
Je ne redouterai point les bêtes féroces,
Et je passerai les forts et les frontières.
[Strophe 3]
je suis entré où ne savais
et je suis resté ne sachant
toute science dépassant
moi je n'ai pas su où j'entrais
mais lorsqu'en cet endroit me vis
sans savoir où je me trouvais
de grandes choses j'ai compris
point ne dirai ce qu'ai senti
car je suis resté ne sachant
toute science dépassant
De piété de quiétude
c'était là science parfaite
au profond d'une solitude
une voie entendue directe
c'était là chose si secrète
que suis resté balbutiant
toute science dépassant
J'étais en tel ravissement
si absorbé si transporté
qu'est demeuré mon sentiment
de tout sentir dépossédé
ainsi que mon esprit doué
d'un comprendre non comprenant
toute science dépassant
Qui en ce lieu parvient vraiment
de soi-même a perdu le sens
ce qu'il savait auparavant
tout cela lui semble ignorance
et tant augmente sa science
qu'il en demeure ne sachant
toute science dépassant
D'autant plus haut il est monté
et d'autant moins il a compris
quelle ténébreuse nuée
venait illuminer la nuit
celui qui savoir en a pris
i1 reste toujours ne sachant
toute science dépassant
Il est ce non savoir sachant
chargé d'un si puissant pouvoir
que les sages argumentant
n'en tireront jamais victoire
car il ne peut tout leur savoir
ne point comprendre en comprenant
toute science dépassant
Et une si haute excellence
est en ce suprême savoir
que ni faculté ni science
de le défier n’a pouvoir
qui de soi tirera victoire
avec un non savoir sachant
il ira toujours dépassant
et si vous désirez l’ouïr
cette souveraine science
consiste en un très haut sentir
de la toute divine essence
c’est une œuvre de sa clémence
faire rester ne comprenant
toute science dépassant
L’une des plus insignes faveurs que Dieu, ici-bas, accorde à une âme d’une manière transitoire consiste à lui donner une vue si claire et un sentiment si profond de Dieu qu’elle comprenne avec évidence l’impossibilité où elle est de le connaître et de le sentir tout entier.
[Strophe 2]
Pasteurs, vous qui passerez
Là-haut par les bergeries jusqu’au sommet de la colline,
Si par bonheur vous voyez
Celui que j’aime le plus,
Dites-lui que je languis, que je souffre et que je meurs.
Mais comment peux-tu subsister,
O vie, puisque tu ne vis plus là où est ta vie ?
Lorsque tendent à te faire mourir
Les flèches que tu reçois
Des sentiments que tu formes en toi du Bien-Aimé !
[Strophe VII]
C’est quand [Dieu] voit, dans sa sagesse, qu’on y a mis assez de temps, de ferveur et de persévérance, qu’il exauce nos prières et remédie à nos maux, et alors nous disons qu’il nous voit et nous écoute.
En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
¡ oh dichosa ventura !
salí sin ser notada
estando ya mi casa sosegada,
a oscuras y segura
por la secreta escala disfrazada,
¡ oh dichosa ventura !
a oscuras y en celada
estando ya mi casa sosegada.
En la noche dichosa
en secreto que nadie me veía
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guía
sino la que en el corazón ardía.
Aquesta me guiaba
más cierto que la luz del mediodía
adonde me esperaba
quien yo bien me sabía
en sitio donde nadie aparecía.
¡ Oh noche, que guiaste !
¡ Oh noche amable más que la alborada !
¡ Oh noche que juntaste
amado con amada,
amada en el amado transformada !
En mi pecho florido,
que entero para él solo se guardaba
allí quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba.
El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcía
con su mano serena
y en mi cuello hería
y todos mis sentidos suspendía.
Quedéme y olvidéme
el rostro recliné sobre el amado ;
cesó todo, y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado.
Par une nuit obscure,
enflammée d'un amour plein d'ardeur,
ô l'heureuse aventure,
j'allai sans être vue,
sortant de ma maison apaisée.
Dans l'obscur et très sûre,
par l'échelle secrète, déguisée,
ô l'heureuse aventure,
dans l'obscur, en cachette,
ma maison désormais apaisée.
Dans cette nuit heureuse,
en secret, car nul ne me voyait,
ni moi ne voyais rien,
sans autre lueur ni guide
que celle qui en mon coeur brûlait.
Celle-ci me guidait,
plus sûre que celle de midi
au lieu où m'attendait,
moi, je savais bien qui,
à un endroit où nul ne paraissait.
Ô nuit qui a conduit,
ô nuit plus aimable que l'aurore,
ô nuit qui a uni
l'ami avec l'aimée,
l'aimée en son ami transformée.
Contre mon sein fleuri
qui entier, pour lui seul, se gardait,
il resta endormi,
moi je le caressais
et l'éventail des cèdres l'éventait.
L'air venant du créneau,
quand mes doigts caressaient ses cheveux,
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et tenait en suspens tous mes sens.
M'oubliant, je restai
le visage penché sur l'ami.
Tout cessa, je cédai,
délaissant mon souci,
parmi les fleurs de lis oublié.
O flamme d'amour, vive flamme
Qui me blesse si tendrement
Au plus profond centre de l'âme
Tu n'es plus amère à présent,
Achève donc, si tu le veux,
Romps enfin le tissu de cet assaut si doux.
Je suis entré où ne savais,
Et je suis resté sans savoir,
Toute science transcendant.
Moi je ne savais où j’entrais,
Cependant quand je me vis là,
Sans savoir où je me trouvais,
De grandes choses je compris.
Point ne dirai ce qu’ai senti,
Car je suis resté sans savoir,
Toute science transcendant.
De paix et de piété
C’était la science parfaite,
En profonde solitude,
Directement entendue ;
C’était chose si secrète,
Que je suis resté balbutiant,
Toute science transcendant.
J’étais tellement ravi,
Si absorbé et transporté,
Que mon sens demeura
De tout sentir privé ;
Et l’esprit, doté
D’un entendement sans entendre,
Toute science transcendant.
O nuit ! toi qui m'as guidée,
O nuit ! plus aimable que l'aurore,
O nuit ! toi qui as uni
L'Aimé avec son aimée,
L'aimée et son Aimé transformée.
Sur mon coeur couvert de fleurs,
Qui se gardait, entier, pour lui seul,
Il reste là - endormi -
Et moi, je le caressais,
L'éventant de l'éventail des cèdres.
L'air qui soufflait du créneau,
Quand je lui caressais les cheveux,
De sa main, sereinement,
Venait me blesser au cou,
Et tenait en suspens tous mes sens.
Je me tins coi, dans l'oubli,
Le visage penché sur l'Aimé.
Tout cessa. Je restai là,
Abandonnant mon souci,
Parmi les fleurs des lis, oublié.
Ah ! qui pourra me guérir !
Achevez de vous donner en toute vérité.
Ne m’envoyez plus
Désormais des messagers
Qui ne savent pas répondre à ce que je veux.
[Strophe VI]
Où vous êtes-vous caché,
Ô Bien-Aimé, et pourquoi m’avez-vous laissée gémissante ?
Comme le cerf vous avez fui,
Après m’avoir blessée.
Je suis sortie après vous en criant, et vous étiez parti.
[Strophe 1]
Ce flambeau luisant me guidait
Plus sûr que la torche allumée
Du plein midi où m’attendait
Celui que j’avais en pensée,
Là où nul vivant sous les Cieux
Ne se présentait à mes yeux.
Il ne suffit donc pas que Dieu nous aime pour nous donner des vertus ; il faut que nous l’aimions de notre côté, pour les recevoir et les conserver.
Au soir de cette vie, vous serez jugés sur l'amour.