Citations de Abhijit V. Banerjee (34)
L’utopie du mouvement parfait et instantané de populations, réagissant aux différences d’opportunités économiques, pourrait bien devenir sa propre dystopie.
Les réponses à des problèmes aussi complexes ne tiennent pas en un tweet. C'est pourquoi l'on s'empresse de les mettre de côté. C'est pourquoi, aussi, les gouvernements font si peu pour relever les défis de notre époque. Mais, en réagissant ainsi, ils alimentent la colère et la méfiance qui polarisent nos sociétés, ce qui nous rend encore moins capables de penser, de parler et d'agir ensemble. Nous sommes pris dans un cercle vicieux.
Les solutions existent pour sortir des pièges de la pauvreté. Cependant, ces aides ne sont pas toujours prodiguées de manière adéquate, et les pauvres ne semblent pas toujours pouvoir, ou même vouloir, y accéder.
Nous pensons que la meilleure science économique est souvent celle qui fait le moins de bruit. Le monde est si incertain et si compliqué que ce que les économistes ont de plus précieux à partager n'est pas leurs conclusions mais le chemin qu'ils empruntent pour y parvenir : les faits dont ils ont connaissance, la manière dont ils les interprètent, les étapes déductives par lesquelles ils passent, les raisons de leur incertitude quand elle subsiste.
La peur de l’échec est un puissant facteur de desincitation à l’aventure risquée. Beaucoup préfèrent ne pas essayer.
Le risque est une composante essentielle de la vie des pauvres qui gèrent souvent de petits commerces ou de petites exploitations agricoles, ou travaillent à la journée, sans jamais pouvoir compter sur la stabilité de leur emploi. Un seul incident peut avoir des conséquences catastrophiques.
Quand Thierry Rauch, à l’époque SDF en France, apprit que l’Etat français voulait aider 30% des pauvres à sortir de la pauvreté, sa première réflexion fut la suivante : « ce qui est sûr, c’est que moi et ma famille, on ne sera pas dedans. » Et d’ajouter : « si le soutien n’est pas pour tout le monde, moi je me ferai sûrement jeter ». Après une vie passée dans l’exclusion sociale, il n’essayait même plus de faire partie des personnes pouvant être aidées.
Aujourd’hui, les optimistes de la croissance et les pessimistes du travail sont souvent les mêmes : ils imaginent que la future croissance sera essentiellement alimentée par le remplacement des travailleurs humains par des robots.
Ces vers ont été écrits par Warsan Shire, une poétesse britannique d'orgine somalienne:
personne ne quitte son chez-soi sauf
si ce chez-soi est la gueule d'un requin
tu ne cours vers la frontière
que si toute la ville y court aussi
et que tes voisins courent plus vite que toi
un souffle sanglant dans la gorge
le garçon avec qui tu allais à l'école
et dont les baisers te grisaient derrière la vieille usine
tient un flingue plus grand que lui
tu ne quittes ton chez-toi
que quand ce chez-toi ne veut plus de toi.
Bien sûr, corrélation n’est pas causalité.
Les petits changements ont de grands effets
C’est la fameuse théorie du « ruissellement », qui n’a jamais été mieux décrite que par le professeur à Harvard John Kenneth Galbraith, qui disait qu’elle était appelée, dans les années 1890, la théorie « du cheval et du moineau » : « si vous donnez au cheval assez d’avoine, il en ressortira bien quelque chose sur la route pour le moineau ».
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Les travailleurs n'ayant pas fait d'études supérieures sont de plus en plus exclus des emplois à qualification intermédiaire( ainsi que les emplois de bureau ou administratifs) et poussé vers des tâches peu qualifiées, comme le nettoyage ou la sécurité.
L’auto-discrimination est souvent auto-réalisatrice.
Nous sommes des économistes, c’est-à-dire des chercheurs en sciences sociales. Notre métier consiste à présenter des faits et une interprétation des faits qui seront susceptibles, nous l’espérons, de réduire ces divisions et d’aider chaque camp à mieux comprendre l’autre, afin de parvenir , sinon à un consensus, du moins à une sorte de désaccord raisonnable. La démocratie ne peut certes pas vivre sans conflit, mais à condition qu’il y ait du respect de part et d’autre ; et le respect suppose la compréhension mutuelle.
Et, chaque fois, la rigidité de l'économie s’est muée en piège implacable.
Une femme apprend de son médecin qu'il ne lui reste plus que six mois à vivre. Le médecin lui conseille d'épouser un économiste de de partir dans la Beauce.
La femme : Cela va-t-il me guérir ?
Le médecin : Non, mais ces six mois vont vous paraître très longs.
Pour donner la priorité aux grands problèmes, il faut comprendre ce qui permet de les résoudre.
Alors, que les choses soient claires : les baisses d’impôt pour les riches ne produisent pas de croissance économique. (p. 240)
Quand un cyclone frappe, quand un indigent a besoin d’être soigné ou quand un secteur d’activités s’effondre, il n’y a généralement pas de « solution de marché ». L‘Etat existe notamment pour résoudre les problèmes dont aucune autre institution ne se charge. Pour démontrer qu’il y a gabegie quand l’État intervient, il faudrait montrer qu’il existe un autre moyen d’organiser la même activité, qui serait plus efficace. / Le gaspillage des deniers publics est bien sûr une réalité dans la plupart des pays (…) il y a aussi beaucoup de gaspillage dans les entreprises privées. La bonne gestion des ressources est peut-être tout simplement plus difficile qu’on ne l’imagine souvent. (p. 362)