Citations de Alain Peyrefitte (139)
(...) le lien social le plus fort et le plus fécond est celui qui repose sur la confiance réciproque - entre un homme et une femme, entre les parents et leurs enfants, entre le chef et les hommes qu'il conduit, entre citoyens d'une même patrie, entre le malade et son médecin, entre les élèves et l'enseignant, entre un prêteur et son emprunteur, entre l'entreprenant et ses commanditaires -- tandis qu'à l'inverse, la défiance stérilse
Combien de temps la politique étrangère de la France se décidera-t-elle en fonction de l'émotion du moment, si justifiée soit-elle, ou d'un prochain congrès de parti ? Les Français n'auraient-ils pas encore compris que le péché majeur, en diplomatie, est de se laisser guider par la politique intérieure ?
Depuis l'effondrement de l'U.R.S.SS, voici deux ans, on va répétant qu'il n'y a plus qu'une superpuissance. C'est une erreur. Il y en a désormais deux. Et la deuxième a de bonnes chances de dépasser la première dans le nouveau siècle, du moins en production ; peut-être, même , beaucoup plus tôt qu'on ne pense - non à la fin, mais au milieu ; voire dans les premières décennies du XXIe siècle. Toutefois, en France , on ne l'a pas encore compris. On ne saurait admettre le succès, et encore moins la suprématie, d'un empire qui récuse nos leçons de morale politique. Pourtant, il suffit d'ouvrir les yeux.
Nous voilà au fond du paradoxe de l'acculturation. Comment se faire admettre d'un peuple sans adopter sa mentalité ? Mais si vous adoptez cette mentalité, au nom de quoi pourriez-vous le convertir à vos idées ? N'est-il pas autorisé à croire que vous vous êtes converti aux siennes... comme tous ceux qui vous ont précédé ?
Les déboires de la Révolution française ne l'ont pas empêchée de répandre universellement la croyance que tous les hommes sont identiques et interchangeables. que l'on proclame l'égalité de dignité, certes ! Que l'on s'efforce d'égaliser graduellement les droits et les chances, bien sûr ! Mais s'imaginer que tous les hommes reçoivent à la naissance les mêmes talents et que tous les peuples disposent des mêmes facultés, relève d'un désordre mental de l'espèce qu'on appelait autrefois vésanie.
Pas une seconde, on ne laisse les Chinois seuls avec eux-mêmes. A-t-on peur qu'ils s'ennuient, ou qu'ils pensent mal, ou que tout simplement ils pensent ?
Le message s'achevait sur une profession de foi : en Chine, "la soumission ne conduit qu'à la honte, alors qu'un ton ferme permet de l'emporter, pour peu que la position défendue soit raisonnable."
Le Grand Conseiller fait croire à la Cour que c'est l'Envoyé qui se déplace : le principe hiérarchique est aussi contraignant dans les sociétés autoritaires, que le principe égalitaire dans les sociétés démocratiques.
Anderson - ou plutôt Coombes - note froidement : "En trois mots, voici toute notre histoire : nous entrâmes à Pékin comme des mendiants, nous y séjournâmes comme des prisonniers, nous en partîmes comme des voleurs."
L'idée de réciprocité suggérée par Staunton est-elle seulement concevable pour Qianlong ? Il est le sommet et le garant de l'Ordre universel. Personne au monde ne saurait lui être comparé. La psychopathologie permet de mieux comprendre une pareille incompatibilité. La perception du monde par un malade mental est irréductible à celle des autres individus ; pour percevoir le même monde, il faut y appartenir, c'est-à-dire disposer de la même organisation psychique. Ce n'est pas le cas entre l'Anglais et le Chinois ; chacun est un malade mental pour l'autre.
Politesse ici, grossièreté ailleurs : on est toujours le Barbare de quelqu'un.
Il y a la pensée-maotsetung... Le soleil ne brille que le jour, l'étoile ne brille que la nuit ; la pensée-maotsetung brille la nuit comme le jour.
Il n'y a pas au monde, un homme qui échappe complètement à l'erreur.
Les gens sincères ; les opportunistes, qui suivaient la marée et criaient Vive Mao parce que tout le monde en faisait autant ; les hypocrites. Il ne faut donc pas prendre toutes ces démonstrations pour argent comptant.
Sans paysans pauvres, il ne saurait y avoir de révolution.
On écrit moins sur la Chine, au fond, que sur soi-même face à la Chine: elle est révélatrice encore plus que révélée.
On objectera que la présence des interprètesd ôte toute spontanéité à notre expérience de la Chine. Nous entendons par leurs oreilles, nous parlons par leur bouche ; sans eux, nous serions sourds et muets; mais nous voyons par nos yeux, nous contrôlons par notre flair. Ils n'entravent pas notre liberté de mouvement.
Un pays plus grand que l'Europe et peuplé deux fois comme elle, assez arriéré pour qu'une grande partie de sa population se contente d'un bol de riz par jour, mais assez avancé pour avoir fait exploser des engins thermonucléaires, suscite toujours la même fascination anxieuse.
Avouons-le, ces dernières années, la Chine nous a encore étonnés : plus semblable à elle-même de nous surprendre toujours, que de se conformer à l'image que nous nous en faisions. Elle nous interroge de nouveau, et sur elle, et sur nous.