AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Alain Peyrefitte (139)


Après le Conseil, le Général me dit : « […] À partir de septembre de l'an prochain, nous fabriquerons chaque mois un Mirage et sa bombe. D'ici la fin de l'année prochaine, nous aurons ce qu'il faut pour tuer vingt millions d'hommes deux heures après le déclenchement d'une agression. »

J'allais lui demander : « Ça ne vous fait rien de penser que vous pourriez... » Mais je me rattrape pour adoucir la question : « C'est impressionnant de penser que l'on pourrait tuer vingt millions d'humains. »

Il me répond tranquillement : « Précisément, nous ne les tuerons pas, parce qu'on saura que nous pourrions le faire. Et, à cause de ça, personne n'osera plus nous attaquer. Il ne s'agit plus de faire la guerre, comme depuis que l'homme est homme, mais de la rendre impossible, comme on n'avait jamais réussi à le faire. Nous allons devenir un des quatre pays invulnérables. Qui s'y frotterait s'y piquerait, et s'y piquerait mortellement. La force de frappe n'est pas faite pour frapper, mais pour ne pas être frappé.

AP. — La bombe a bel et bien frappé, à Hiroshima et Nagasaki.

GdG. — Elle n'aurait pas frappé, si les Japonais en avaient possédé une. Et il fallait bien qu'elle frappe la première fois. Pour mettre le Japon à genoux, il fallait lui fournir la preuve que cette bombe était une réalité terrifiante et imparable. Et il fallait que cette bombe mette fin à la Seconde Guerre mondiale, pour que la perspective de son emploi dissuade d'en entreprendre une troisième. Sans quoi, on n'aurait jamais à ses vertus
« Il faut juger tout ça à l'échelle de l'Histoire. Les bombardements de Dresde et de Leipzig ont fait plus de morts que les deux bombes atomiques. Les trois cent mille morts d'Hiroshima ont épargné bien davantage de Japonais, qui auraient été écrasés sous des bombes ordinaires. Et surtout, ils ont épargné les dizaines de millions de morts d'une autre guerre mondiale, qui n'aurait pas manqué de suivre de peu la précédente. Les morts par bombardements classiques auraient été des morts inutiles. Les morts d'Hiroshima ont été des morts... nécessaires. (Il a cherché le mot, puis a fini par ne plus retenir que celui qui avait dû lui venir d'emblée.)

AP. — Et les morts de Nagasaki ?

GdG. — Ça, je reconnais que c'est plus discutable. Truman n'a attendu que trois jours pour lancer sa seconde bombe, sans avoir laissé aux Japonais le temps de se retourner. Il aurait pu leur envoyer un ultimatum de huit jours.

AP. — Des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d'autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces, n'est-ce pas ce qu'on appelle un crime contre l'humanité ? »

Le Général lève les bras. Ce n'est pas son problème : « Nagasaki n'est peut-être pas très défendable. Mais, sans Hiroshima, l'armement nucléaire n'aurait pas fait plus d'effet qu'un revolver à eau. Truman a eu du cran. Il en fallait. »
Commenter  J’apprécie          10
Si le visage que j'ai montré de la France paraît à certains tenir plutôt d'une légende cruelle que de la vérité, mon espoir est que la légende les remue assez profondément, pour qu'ils apprennent à refuser en eux-mêmes tout ce qui pourrait la confirmer.
Alors, nous ne serons plus ces bourgeois de Hameln, jouets de notre histoire et pourtant seuls auteurs de notre ruine. Mais des êtres adultes qui, tirant de nous-mêmes notre force, saurons à la fois chasser le malheur, et donner à la jeunesse le goût de ne pas nous fuir.
Commenter  J’apprécie          10
En tout pays, chacun renâcle devant certaines contraintes du progrès. Mais dans les pays polycentriques, ce refus est surmonté : les récalcitrants ne peuvent s'en prendre à personne d'une évolution qui est celle de l'époque; elle les déborde de toutes parts; elle est un défi, qu'ils relèvent.
Cette démarche pragmatique répugne à la mentalité monocentrique : puisque l'Etat peut tout, il doit arrêter le soleil; ou faire tourner la terre plus vite. Qu'il ordonne le changement, tout de suite, et pour tous.
Commenter  J’apprécie          10
Potentiel chez tous, cet instinct de dépassement ne se développe que dans une minorité. Une société novatrice est une société où cette minorité est assez importante et libre pour agir. Une société figée est celle où cette minorité est réduite et paralysée.
Commenter  J’apprécie          10
Nous avons la liberté. Mais nous ne savons pas nous en servir. Nous usons d'elle comme de l'or : nous la thésaurisons, nous ne la faisons pas fructifier.
Commenter  J’apprécie          10
Dans les vagues successives et tourmentées de la révolution chinoise, Mao et Chou, ce couple contradictoire et indissociable, souvent cachés par le creux de la vague, ont toujours réapparu au sommet : le paysan prophétique et le mandarin subtil, l'incantatoire et l'opérationnel.
Dans ce système dont la description appelle si naturellement le vocabulaire religieux, Mao, tel un Esprit Saint de la révolution, s'est contenté, hors quelques manifestations foudroyantes, d'agir à travers le pontificat très romain de Chou En-lai.
Commenter  J’apprécie          10
Le sous-développement, c'est l'alliance de l'isolement et de l'immobilisme, relayés par la démographie. Le développement, c'est le mariage de l'ouverture au monde et des innovations croisées.
Commenter  J’apprécie          10
Pour les sociétés comme pour les personnes, le détour par l'Autre est nécessaire à la connaissance de soi. Au bout de chaque différence, on trouve deux questions : "Pourquoi sont-ils ainsi ?", et par suite : " Pourquoi ne suis-je pas ainsi ?"
Commenter  J’apprécie          10
Des enfants jouent à prendre à l'envers un escalier roulant. S'ils s'arrêtent, ils descendent. S'ils montent, ils restent stationnaires. Celui qui grimpe quatre à quatre monte lentement. Dans le long convoi de l'humanité, les nations font de même : celles qui ne bougent pas reculent ; celles qui avancent sans hâte font du sur-place ; celles qui courent sont seules à progresser.
Commenter  J’apprécie          10
Évoquant les "extorsions que se permettent les mandarins chinois", Barrow rapporte de l'un d'eux, cette algarade que ne renierait pas Qianlong lui-même : "Que venez-vous faire ici ? Nous vous donnons notre précieux thé, que la nature a refusé à votre pays, et nous prenons en échange les productions de vos manufactures, dont nous n'avons aucun besoin. Vous n'êtes pas satisfaits ? Pourquoi visitez-vous si souvent un pays dont les usages vous déplaisent ? Nous ne vous y invitons pas ! Et pourtant, quand vous venez et si vous vous conduisez bien, nous vous traitons à l'avenant. Respectez donc notre hospitalité, mais ne prétendez pas nous réformer."
Voilà bien la voix de la Chine ! Ce pourrait être, en tout temps, la prosopopée de chaque nation qui se sent menacée dans son identité.
Commenter  J’apprécie          10
Il est difficile pour un peuple d'effacer les habitudes créées par des traditions tri-millénaires de culte impérial.
Commenter  J’apprécie          10
Quand les faibles s'inclinent, les forts les frappent davantage ; quand ils défendent publiquement leurs droits, bravant même la mort, les forts fléchissent – tigres de papier...
Commenter  J’apprécie          10
Une grenouille, au fond d'un puits, disait que le ciel n'est pas plus grand que la margelle. Il faut voir le tout aussi bien que la partie.
Commenter  J’apprécie          10
Les principaux dirigeants chinois paraissent bien avoir cru un instant au succès de cette « révolution ». C'est seulement avec le recul du temps qu'ils s'aperçurent que le mouvement de mai n'en était pas une vraie. La retraite du général de Gaulle, la crainte que les chinois ont pu concevoir, quelques temps, que la France renonçât au « refus des deux hégémonies », la satisfaction de la voir poursuivre la même politique, l'achèvement de la Révolution culturelle sur une note apaisée, ont fait mesurer à la Chine l'intérêt que présentait la politique de Paris. Aujourd'hui, Chou En-lai n'a pas de mots assez durs pour les « maoïstes » français : « Il y a chez vous des hommes qui se parent du nom de maoïstes et déshonorent ainsi le nom du président Mao et le renom de la Chine populaire. »
Commenter  J’apprécie          00
« - Ainsi, repris-je, un siècle avant Socrate, tandis qu'Héraclite et Pythagore jetaient les premiers fondements de la philosophie grecque, vivait en Chine un philosophe dont on peut dire que l'idéal est resté le vôtre ?
- il l'est resté... ou il l'est redevenu. Le président Mao nous invite à conserver ce qui est bon dans la tradition et à écarter le mauvais. Il faut donc tout découdre dans les vêtements anciens, séparer le bon du mauvais, et recoudre avec ce qui est bon. »
L'homme nouveau que la révolution chinoise cherche à faire naître serait donc une restauration de l'homme ancien, donné en modèle par Confucius. Mao, comme Confucius, a élaboré une philosophie qui aboutit à des règles de vie personnelle et de gouvernement de la société ; mais c'est la vie, c'est la société d'aujourd'hui. Il a traduit l'idéal communiste dans le langage confucéen : « Le communisme, ce sera la Grande Harmonie. »
Commenter  J’apprécie          00
Alain Peyrefitte : - Comment appréciez vous les différents candidats ?

De Gaulle : - Tous les cinq se ressemblent , mais tous sont différents. Ils se ressemblent parce qu'ils pataugent dans la bassesse. Ils sont différents parce que chacun appartient à une des oppositions et se confond avec elle. Tixier-Vignancourt c'est Vichy, la collaboration fière d'elle même, la Milice, l'O.A.S. Marcilhacy c'est le notable sûr de lui parce qu'il est notable et qu'il regarde de haut les Français, comme si les pouvoirs de la République lui étaient dus par droit d'hérédité. Lecanuet c'est l'enfant de coeur qui a bu le vin des burettes et qui s'en est enivré. Mitterand est le plus roublard, le plus dangereux ; il est prêt à soutenir toutes les thèses, à renier tout le monde et à se renier lui-même pour s'emparer du pouvoir. En réalité il n'y en a qu'un qui soit sympathique, c'est Barbu. C'est un brave couillon, il y en a beaucoup qui doivent se reconnaître en lui.
Commenter  J’apprécie          00
Le passé présent
En survolant ces pages, vous constaterez que l'actualité d'aujourd'hui est l'Histoire de demain ; et qu'elle est commandée elle-même par l'Histoire d'hier.
Ce qu'on appelle la politique, c'est l'Histoire en train de se faire ; l'Histoire, c'est la politique déjà faite. Avec le recul, l'optique se déforme. Le temps ne ratifie pas toujours le jugement des contemporains.
(page 3)
Commenter  J’apprécie          00
Pour les Portugais et les Espagnols - qui restent dominés par une mentalité agraire, selon laquelle la puissance se confond avec la propriété de la terre -, c'est l'extension territoriale qui importe à la gloire de la Couronne. La prospérité se mesure à l'aune de la seule conquête, ou de la prédation de ressources déjà existantes - et les seules qui vaillent, après quelques illusions perdues, sont celles de l'or et de l'argent.
Pour les Anglais et les Hollandais - qui ont complètement adopté la mentalité marchande -, ce qu'il faut chercher dans les colonies, c'est une extension commerciale. On essaie de nouvelles cultures. On organise des entreprises agricoles intensives. Par exemple, la canne à sucre : dans les Caraïbes, les Anglais ; et au nord-est du Brésil, les Hollandais, qui y réorganisent cette culture, importée de Madère par les Portugais au XVIe siècle. Le tout favorisant un fructueux négoce.
Ces deux modèles s'opposent point par point : l'extension impérialiste et la colonisation économique.
Commenter  J’apprécie          00
Au climat de libre exploration créé par la Renaissance, la Contre-Réforme catholique oppose une atmosphère d'étroite surveillance ; tout comme à la" confiance" (fiducia), elle oppose une "piété" qui subordonne les œuvres à un contrôle ecclésiastique, véritable monopole parental.
Commenter  J’apprécie          00
Notre hypothèse est que le ressort du développement réside en définitive dans la confiance accordée à l'initiative personnelle, à la liberté exploratrice et inventive - à une liberté qui connaît ses contreparties, ses devoirs, ses limites, bref sa responsabilité, c'est-à-dire sa capacité à répondre d'elle-même.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Alain Peyrefitte (500)Voir plus

Quiz Voir plus

C'est pas ton genre

Comment s'appelle l'usine présente sur l'île ?

Arkema
TechPro
Technique pro
ProChimie

7 questions
1 lecteurs ont répondu
Thème : C'est pas ton genre de Pascale PerrierCréer un quiz sur cet auteur

{* *}