Citations de Alexandre Labruffe (117)
Il me dit : "l'amour c'est une fiction". Je lui rétorque qu'avec moi, ça serait plutôt de la science-fiction.
Vision d’une humanité future où : • seuls les plus nantis ont accès à l’oxygène, • les plus pauvres croupissent dans un bain de pollution, • l’oxygène, devenu or blanc, transparent, ressource rare, est coté en Bourse. Bientôt, on paiera l’air qu’on respire.
Je me dis que le Nouveau Monde c'est l'obsession de la Chine. Partout, dans le pays : ce nom (New World). Pour des hôtels, des quartiers, des magasins, des marques. La Chine s'affiche comme le Nouveau Monde. Le clame sous tous les toits. Relégue l'Amérique aux oubliettes
La Chine est au-delà du rêve. Au-delà de la réalité. C'est une simulation des deux.
A Hong-Kong, il y a un braquage de papier toilette.
Un stock volé par trois hommes armés.
Curieusement, en période de fin du monde, les gens ne pensent qu'à leur cul.
Je pense à la cocazéroïsation de l'humanité
Je me dis qu'un laboratoire en Chine, c'est du napalm à retardement. Une hérésie irréversible.
La Chine est l'utopie réalisée du libéralisme, où la seule liberté, finalement, est celle de consommer. Préfiguration d'un monde en gestation. Le pire du communisme et du capitalisme réunis. Un monde réduit au consumérisme. (la Chine pré-scénarise l'avenir.)
Je décide de transformer tous les modes d'emploi en poèmes, en manifestes, en haïkus érotiques ou insurrectionnelles. Bouteilles à la mer. Messagères de mon naufrage.
Pour un sèche-cheveux: " Cet appareil est destiné à un usage révolutionnaire: sécher votre passé. Tout autre usage est exclu du Parti." (p. 79)
Tout est dématérialisé. Et pourtant c’est l’Empire du matérialisme. Mao, au secours !
Vision d'une humanité future où:
- seuls les plus nantis ont accès à l'oxygène
- les plus pauvres croupissent dans un bain de pollution,
- l'oxygène, devenu or blanc, transparent, ressource rare, est coté en Bourse.
Bientôt, on paiera l'air qu'on respire. La prochaine marque de distanciation sociale sera la marque du masque que l'on porte. Ses caractéristiques. Ségrégation pour l'accès à l'air pur. Dans les villes, il y aura différentes zones plus ou moins contaminées, différentes qualités de l'air, que l'on pourra s'offrir ou pas. Le dérèglement de la planète: creuset et acmé des inégalités.
Jusqu’à l’horizon, des immeubles, immobiles, laqués, glacés.
- Regarde, Alexandre !
C’est ma collègue chinoise, Lanlan, qui m’interpelle en pointant son doigt vers le soleil qui décline. Je suis surpris, j’observe son index :
- Quoi ?
Elle répond :
- Mais là !.
Je lève les yeux, je ne vois rien, je panique :
- Quoi ? Mais quoi ?!
Dans ma tête, des images de catastrophe, de films d’horreur, de science-fiction, une comète qui perfore l’atmosphère. Devant moi, rien.
Lanlan s’extasie :
- Le ciel !!! On voit le ciel.
Elle s’arrête de marcher dans la rue et prend une photo du coucher du soleil avec son smartphone. Je regarde autour de moi. Tous les Chinois se sont arrêtés pour prendre la même photo du ciel qui s’embrase. (pp.13-14)
Aujourd'hui c'est un jour comme un autre. Il est dix-sept heures. Je ne fais rien de particulier. Sur le téléviseur installé derrière le comptoir, j'ai mis Mad Max, version 1979, que je regarde en boucle depuis ma prise de fonction, essayant d'en extraire la quintessence, ses enseignements métaphysiques, philosophiques, religieux.
C'est la nuit. Un client ivre, au comptoir, titube, éructe :
-Où on va, merde ? Où sont les poètes, putain ?
Que répondre ? Que dire ? Il a raison.
La vie est faite de contrariétés, insignifiantes à l'échelle de la galaxie, mais toujours renouvelées.
Dire : Tout le monde demande le plein. Mais personne n'a jamais demandé le vide.
« Je suis au sommet de la pyramide de la mobilité en quelque sorte : le rouage essentiel de la mondialisation. (Sans moi, la mondialisation n’est rien.) » (p. 7)
Le propre d’une station-service, la raison même de son existence, outre d’exploser, son destin, pareil à celui d’une banque, c’est d’être braquée. (Son destin est cinématographique.) Je ne vis pas dans cette terreur, ce n’est pas une angoisse, mais plutôt une attente curieuse.
Les inspecteurs sont derrière moi (leur souffle sur ma nuque) lorsque je commence à ouvrir la porte. J'entends alors un hurlement, un cri de Kim :
Naaan.
On entend des bruits. Des choses qui tombent. Je me retourne. Ils me regardent, surpris, se tendent, se figent, prêts à sortir les menottes, me plaquer contre le mur, défoncer la_ porte. (" Ils sont dressés pour ça, je pense. Ils sont dressés pour douter. Douter et dégainer. ") Je tente de désamorcer la situation, mais perds mes mots, ma langue se déconnecte de mon cerveau. Au bord de l'évanouissement, je baragouine une explication vaseuse :
- Ma compagne est nue. Elle doit sortir de la douche. Elle est souvent nue. Les bruits, là, euh... c'est... elle range à
mon avis. Elle est coréenne, elle est un peu maniaque, surtout quand on reçoit des invités.
p. 46
J'observe, à travers les stores, les pompes, le camion-citerne, mon royaume. Je me dis que l'essence est le nectar d'une amnésie. Que ce qui coule dans les tuyaux, c'est d'abord un mythe : celui de la profusion.
Ce n'est pas que le monde est petit, c'est qu'il est lié.