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Citations de Alexandre Labruffe (117)


Dans cette zone industrielle sans fin, éclairée au néon nuit et jour, je comprends alors ce qu'il se passe en moi, ce qui infuse: la beauté du défaut. Sa nécessité absolue. Autre chose: un désir, un dessein. Celui d'écrire.
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On est mi-décembre. Mon boss me fixe une feuille de route simple pour l'année 2020:
- Grâce à la culture, inscrire Wuhan sur la carte du monde.
Son improbable feuille de route était visionnaire.
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Le tire-bouchon
est un remonte-pente
qui tire un homme désarticulé
Moi?
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Je suis le concierge d'une névrose qui nécrose le monde.
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Dans ma bouche, j'ai un arrière-goût. C'est le goût etrange de l'air. Quoi exactement ? Du métal ? De l'acier ? De l'aluminium ? Je pense à Tchernobyl. Non. Cet air a un arrière-goût d'éther.

L'éther de notre futur ? L'arrière-goût de notre avenir inéluctable ?
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Je me dis qu'une pensée est un feu d'artifice figé.
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Je pense : "L'homme est le lapsus de la femme."
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Elle [la station-service] est également associée aux road-movies, aux thrillers. Passage obligé des gangsters, des fuyards. Point de ralliement ou de croisement des marginaux. Elle est le carrefour d'une marge qu'elle encense, le carrefour d'un monde interlope en cavale.
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Je me dis que c'est déchirant, une vache qui meuble dans la nuit, que c'est comme une bouteille à la mer. J'ai presque envie de pleure. Je souris. J'exhale un nuage de fumée. Je suis trop sentimental.
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1
Dans le brouillard, comme un phare, à peine visible : le néon HORIZON bleu déglingué du hangar qui clignote devant moi.
2
C’est la nuit. Un client ivre, au comptoir, titube, éructe :
— Où on va, merde? Où sont les poètes, putain?
Que répondre? Que dire? Il a raison. Où sont passés les poètes? Deux clients qui cherchent leur bonheur au rayon FRAÎCHEUR lui jettent un coup d’œil suspicieux. L’homme hurle :
— Barbara! Reviens! Au secours!
Alors qu’ils étaient en train de saisir un sandwich au poulet, les deux autres clients se figent. L’homme ivre me paie son plein et sa bière, en marmonnant je ne sais quoi. Je l’observe partir. Via les écrans de vidéosurveillance : sa démarche de flamant rose claudicant. Chuintement des portes automatiques. Il zigzague jusqu’à sa voiture, qui se trouve à la pompe nº 5.
Le chiffre 5, en Chine, c’est le chiffre du Wu, du rien, du vide. À l’origine et à la fin de toute chose. C’est le chiffre du non-agir, du non-être, du pompiste.
3
Il démarre et part en trombe. Sa Land Rover disparaît dans la nuit américaine qui enveloppe la banlieue de Paris.
4
Je fume une cigarette dehors. Sans client. Libéré. Léger. Enfin désœuvré. Il est minuit. J’aperçois, malgré tout, dans la brume, la forme d’un 35 tonnes. Un camion garé sur le parking poids lourd, au fond de la station-service.
 Brusquement : un meuglement. C’est une vache. Une vache meugle dans la nuit. Puissance étrange et poétique de ce meuglement dans la ouate. Je m’immobilise. À l’affût. Des volutes de nuages bas se déplacent lentement, se posent sur le toit de la station. Un autre troupeau de moutons de brume caresse la pompe nº3, recouvre les halos des lumières, des néons, des réverbères, engloutit le tout.
La station n’est plus qu’un souvenir, enfoui dans le brouillard.
 Passé quelques minutes, deux vaches meuglent à nouveau. Cela provient du 35 tonnes qui les convoie. Le bruit des voitures filant à toute allure sur le périphérique : étouffé. Un souffle. La fumée de ma cigarette, à mes lèvres, suspendue. Nouveau meuglement. Je me dis que c’est déchirant une vache qui meugle dans la nuit, que c’est comme une bouteille à la mer. J’ai presque envie de pleurer. Je souris. J’exhale un nuage de fumée. Je suis trop sentimental.
5
Aujourd’hui, c’est un jour comme un autre. Il est 17 heures. Je ne fais rien de particulier. Sur le téléviseur installé derrière le comptoir, j’ai mis Mad Max, la version de 1979, que je regarde en boucle depuis ma prise de fonction, essayant d’en extraire sa quintessence, ses enseignements métaphysiques, philosophiques, religieux. 
Un client boit un café, absorbé lui aussi par le film. Le soleil se couche. Un rayon lèche l’écran. Une Renault Espace se gare devant la pompe no 2. Je suis disposé de telle façon que je peux regarder et la télé et l’entrée, les gens qui débarquent.  
Musique Max Decides On Vengeance.
 Une famille sort de l’Espace. Deux enfants, un couple. Ils semblent heureux, rentrent dans la station. La femme achète une bouteille de Coca Zéro tandis que le père accompagne les enfants aux toilettes. Elle dicte, en chuchotant, quelque chose à son téléphone. Envoie ce qu’elle vient de chuchoter. Range son portable à la hâte. Le père et un des enfants reviennent. Elle paie. L’autre enfant surgit en courant. Ils s’en vont.
À la télé, Mad Max : «I’m gonna blow him away!» 
Je me dis que la Renault Espace, c’est une certaine idée érodée de la famille.
Une voiture utilitaire se range devant la pompe no 1. Un homme obèse en sort, au téléphone, il entre, prend une canette de Coca Zéro, vient me payer et repart, toujours sur son portable. M’a-t-il seulement vu ? 
Rares sont les clients qui me voient ou me parlent. Je suis transparent pour la plupart des gens. Certains se demandent sans doute pourquoi j’existe encore, pourquoi je n’ai pas été remplacé par un automate. Des fois, je me le demande aussi. 
Max : «They say people don’t believe in heroes anymore.»
6
Lieu de consommation anonyme, la station-service est le tremplin de tous les instincts.
Ce que je vends le plus: le Coca Zéro.
 
Le Coca Zéro. Les chewing-gums. Les chips. Les magazines érotiques ou d’automobiles. Les cartes de France. Les sandwichs. L’alcool. Les barres chocolatées (Mars en tête). Et évidemment l’essence.
Une certaine idée du monde en fait : un monde totalement junkie, dont je serais le principal dealer.
6 bis 
Je pense à la cocazéroïsation de l’humanité.
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Parfois, je regrette l’époque dorée du super et je me dis que le sans-plomb est à l’essence ce que le préservatif est au sexe, l’aspartame au sucre : un pis-aller, le symbole de nos sociétés castrées, d’un avenir sans microbes
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Rares sont les clients qui me voient ou me parlent. Je suis transparent pour la plupart des gens. Certains se demandent sans doute pourquoi j’existe encore, pourquoi je n’ai pas été remplacé par un automate. Des fois, je me le demande aussi.
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La vie est faite de contrariétés, insignifiantes à l’échelle de la galaxie, mais toujours renouvelées. Qu’y avait-il dans cette clé ? Qu’ai-je perdu ? En me brossant les dents, me dévisageant dans le miroir, blafard, j’essaie d’éclaircir ce mystère, de me souvenir : des films populaires (Mad Max 1, 2 et 3, Les Chinois à Paris…), des films de la Nouvelle Vague téléchargés – non sans scrupules – sur une plate-forme illégale, des films pornographiques japonais, deux trois dossiers administratifs et… mon prochain roman, enfin… mon premier roman.
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Dépossédées du son, les images ont une certaine profondeur : une profondeur de fin du monde et d’oracle.
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  " L’homme est le lapsus de la femme. "
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faut aimer la routine aussi. La routine et l’ennui que j’essaie de tromper, attendant les clients, en regardant des films sur la télévision accrochée au mur derrière le comptoir ; des films que je regarde en boucle, quand je ne joue pas aux dames avec Nietzland.
 
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Je représente le socle de la société moderne. Je suis au sommet de la pyramide de la mobilité en quelque sorte : le rouage essentiel de la mondialisation. (Sans moi, la mondialisation n’est rien.)
 
Mais mon sommet est fragile. À l’heure du déclin de la production, j’ai parfois l’impression d’appartenir déjà à la préhistoire.
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