J'avais beaucoup aimé l'ombilic des limbes. J'avais reussi à souscrire à sa poésie, à ses mots, ses images, à ses délires, même à sa persécution.
En revanche, je suis resté complètement étranger à celle-ci, et même particulièrement agacé par la section "interjections" . Je veux bien que tout puisse être poésie, que nous aillons tous une part de folie, de psychose en nous, mais je n'ai pas réussi à me laisser aller à ses réflexions scatologiques, à sa persécution. Ses lettres que j'ai également trouvées très ennuyeuses, toujours à se plaindre de son aliénation. C'est le fait de tout paranoiaque mais en tant que lecteur, j'en vois difficilement l'intérêt.
Donc, à conseiller seulement pour les inconditionnels.
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Je suis pourtant une adepte de poésie, mais je n'ai pas été touchée par le cri du cœur, la douleur et la souffrance un peu trop égocentriste du poète.
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C'est avec une immense admiration, beaucoup de poésie et un gros soupçon de revanche envers les psychiatres de tout bord qu'Antonin Artaud a écrit cet essai quelques mois avant sa mort.
La folie n'est rien d'autre que du génie aliéné par la société, étouffé par les bien-pensants qui ne veulent pas de coups d'éclats ni de cette interprétation extra-lucide de la vie.
Van Gogh a trouvé ici son défenseur, son protecteur contre le docteur Gachet et son propre frère Théo, tous deux responsables, d'après Artaud, de son suicide.
Quelle est donc la limite entre le génie et la folie? Pour l'auteur, il ne semble pas y en avoir, sinon selon la société. Artaud reconnaît en Van Gogh son alter ego, son modèle peut-être.
Mais, outre cet essai sur la folie, les évocations qu'il fait des tableaux de Van Gogh, du Champ de Blé aux Corbeaux en particulier, donnent envie de toucher le tableau et ses aplats de peinture encore fraîche et épaisse. L'écriture est magnifique, tour-à-tour descriptive, puissante, profonde, poétique, transcendantale, désespérée. Celle d'un homme qui a passé la plus grande partie de sa vie en hôpital psychiatrique et à qui on refuse ses pensées délirantes et que sans doute seule l'écriture, ou bien seul l'art, libère de ses souffrances.
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Un texte fulgurant, lyrique, poétique , génial et .....dérangeant.
Et jamais plus je ne regarderai une oeuvre de van Gogh comme auparavant.
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Peu importe qu’ici, Van Gogh soit Artaud. Peu importe le nom, il suffit que ces silhouettes d’antiques bouchers assagis se mettent à vous traquer.
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Livre sur le fait que la société a suicidé Van Gogh en ne le comprenant pas.
Artaud se reconnait en l'artiste car il est lui-même enfermé une bonne part de sa vie.
Style superbe, belle défense de Van Gogh.
Sublime.
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Assez intéressant au départ pour son expérience de l'asile, de la solitude et de la privation de liberté . Puis très vite assez cryptique par ses élands d'occultisme, rendant sa pensée parfois cryptique.
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« Starry, starry night... » ---- Don Mclean
Un livre d'Antonin Artaud donne presque toujours lieu à une expérience de lecture déroutante tant son discours en lui-même est pertinent mais, est souvent desservit, hélas, par des propos parfois iconoclastes, et d'autres fois fallacieux. (Pour exemple cet extrait issu de son ouvrage intitulé « Pour en finir avec le jugement de Dieu » (1948) : 'Il paraît que, parmi les examens ou épreuves que l'on fait subir à un enfant qui entre pour la première fois dans une école publique (américaine), aurait lieu l'épreuve dite de la liqueur séminale ou du sperme.'
Ce livre fut publié quelques mois avant la mort de l'auteur, il reçut également un succès critique ainsi que le prix Sainte-Beuve de l'essai.
Il y a comme un effet miroir entre Artaud et Van Gogh : Le premier fut interné dans un hôpital psychiatrique durant neuf ans et dût subir des séances d'électrochoc insoutenables. Il en ressortit en 1946, avec l'impression d'avoir pris vingt ans de plus, ce qui est certainement dû aux carences alimentaires dont furent victimes les pensionnaires de l'asile durant la période de guerre.
Le second, peintre autodidacte, cherchant sa voie tout d'abord dans la religion trouve dans la peinture un moyen d'épanouissement artistique. Le point commun avec Artaud étant que lui aussi fut interné à l'asile d'aliénés Saint-Paul-de-Mausole en 1889 durant un an où il connut des moments de démence. Suite à sa tentative de suicide survenue le 27 juillet 1890, il meurt de sa blessure par balle deux jours plus tard.
Artaud met en accusation toute la société bien-pensante qui ne sait que faire de ces personnes au comportement, à la façon de penser et de s'exprimer qui ne conviennent pas à la norme qu'ils ont instituée. Ignorant comment les formater à l'image qu'ils aimeraient leur donner, ils ont inventé à cet effet la psychiatrie comme seule tentative de les remettre dans le droit chemin. Une autre forme d'aliénation en quelque sorte.
Il les rend responsable du suicide de Van Gogh, en particulier son médecin. Cette médecine qui désire tuer les névroses malignes qui permettent à nombre d'artistes de s'élever spirituellement de par leur œuvre au-dessus, tel des albatros, du commun des simples gens dénués d'imagination et de fantaisie.
« Car un aliéné est aussi un homme que la société n'a pas voulu entendre et qu'elle a voulu empêcher d'émettre d'insupportables vérités. »
Il termine par de magnifiques descriptions des tableaux du peintre incompris mais finalement, on peut affirmer qu'Antonin Artaud se reconnaît totalement en Van Gogh et qu'à travers cet artifice c'est de lui-même qu'il est question ici.
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bien évidemment Artaud dans sa splendeur
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Antonin Artaud, pas encore déchaîné, se rattache à un quelconque mobile pour ne pas perdre pied. C’est parce que je sais ce qu’il devint plus tard que je me permets cette constatation facile. Si je ne l’avais pas su, j’aurais simplement dit qu’Artaud, passionné de théâtre jusqu’à la fièvre, combat pour le ramener à la vie des nerfs.
Les œuvres réunies dans ce deuxième volume s’attachent à la période de la fin des années 20 avec la naissance du théâtre Alfred Jarry en 1926/1927. Antonin Artaud expose sa conception idéale du théâtre :
« Si nous faisons un théâtre, ce n’est pas pour jouer des pièces, mais pour arriver à ce que tout ce qu’il y a d’obscur dans l’esprit, d’enfoui, d’irrévélé se manifeste en une sorte de projection matérielle, réelle. […]
Pas un geste de théâtre qui ne portera derrière lui toute la fatalité de la vie et les mystérieuses rencontres des rêves. Tout ce qui dans la vie a un sens augural, divinatoire, correspond à un pressentiment, provient d’une erreur féconde de l’esprit, on le trouvera à un moment donné sur notre scène ».
Nous découvrons également ses propositions de mise en scène, ses réactions face aux critiques, et diverses impressions nées de rencontres littéraires et picturales avec des artistes de son temps. Aujourd’hui, cela ressemble à une époque qui ne pourra plus jamais exister. Qui se prend encore aussi sérieusement la tête avec les quelques blagues que les artistes aiment se lancer sérieusement ?
Utile pour comprendre une phase de l’évolution d’Antonin Artaud et pour confirmer ses vues artistiques, ses ambitions, sa volonté de ne jamais laisser passer un compromis.
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Rien à chercher dans cette poésie. Si tu cherches c’est que t’as rien compris. Faut arrêter de penser toujours à sa gueule. Artaud ne pensait pas à toi en écrivant ça, il ne pensait pas à lui non plus, il pensait à l’entité globale et c’est autrement plus fin et gerbant.
Artaud, voilà le mec qui est arrivé au plus haut point, dirait-on. Seulement qu’arrivé là, plus rien. Plus de culture, plus de réputation, plus d’émotion, plus d’empathie, mais l’outrecuidance, la liesse, l’injure, le plaisir, le profane et le sacré.
C’était trop pour lui, Antonin a crevé cinq mois plus tard. Paix à son âme.
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Artaud on le fuit ou on le prend. On lui fuit par peur, ou on le prend en dedans. Et si on le prend on en vient à l'aimer. À l'aimer à en vouloir le protéger, mais avant il faut l'entendre, tenter de le comprendre. Artaud et Van Gogh. Est-ce évident ? « c'est un homme totalement désespéré qui vous parle ». Voilà Artaud qui convulse, révulse la douleur. Qui la convoque, mais ne la provoque pas.
Momo. Mot à mot. Mot arraché, mis en lambeaux, au flambeau.
Artaud ,Van Gogh, génies indépendants l'un de l'autre et pourtant indissociables à présent.
C'est une autre dimension. Ils sont d'une autre dimension. Deux « au-delà ». C'est peut-être cela que nous nommons la folie, cet espace de « l'au-delà ».
Non pas un au-delà que nous avons imaginé. Non pas cet espace de mort, de néant.
Mais cet espace de pré-langage. De la matière primale, première. Où les mots pour finir n'existent pas encore, où la pensée même n'existe pas encore, atteindre les limbes d'un territoire inconnu.
Van Gogh n'était pas fou, ainsi s'écrie la déclaration d'amour d'Artaud à Van Gogh.
Tu n'es pas fou, je ne suis pas fou. Parce qu'en van Gogh, Artaud a entendu sa douleur, son langage. Il a vu que la musique de Van Gogh allait encore plus loin, plus fort, plus haut que son propre langage. Parce qu'il a tordu, brisé, mis en pièce le verbe pour tenter de dire. Il savait son mal dire, ce que nous nommons si facilement malédiction. Mal dire, c'est prendre le risque d'opérer un démontage, un éclatement de la langue, prendre le risque de créer une autre synthase, une suite de notes, afin de faire ressortir ce que l'au-delà du langage peut contenir. Et peu importe à Artaud de devenir illisible. Là n'était pas son problème. « J'écris pour les analphabètes ». Il prend le risque, il tente au-delà.
En défendant l'œuvre de Van Gogh, c'est le droit à la parole du peintre, et par là le droit du poète qu'il défend et revendique. Vous nous déclarez fou. À quel titre le faites-vous ? Vous nous reprochez de nous détruire mais de quel droit quelle est votre autorité ? Et pourquoi le faites-vous ? Pour le bien de qui ? Van Gogh : suicidé de la société. Parce que pour Artaud le suicide de Van Gogh est en fait un homicide. Van Gogh n'a jamais voulu se suicider, on l'y a poussé. Et cet acte commis n'est pas le reflet de la folie d'un homme mais le crime d'une société.
Comment ne pas l'entendre ? Lui qui a connu 15 ans d'unité psychiatrique à Rodez durant lesquelles des séances répétitives d'électrochocs ont tenté de le faire rentrer de force dans le cadre de la société et lui faire sortir de la tête toutes ces idées qu'on qualifiait de « dérangées », mais qui en fait dérangeaient une société.
Bien sûr prendre Artaud, est-ce également prendre le risque de se perdre ? Je ne le crois pas. Bien sûr il faut recevoir sa décharge, en plein ventre, en plein cœur, en plein regard. Ne pas y venir blindé, armé. S'y rendre à nu, pour toucher l'imprononçable. Regarder une œuvre de Van Gogh, lire ou entendre Artaud c'est assister à une mise en pièces. À une boucherie. À aucun moment à une mise à mort. Mais à une mise à mal. Je sais que ce terme peut paraitre violent. Mais le fait est d'une puissance, d'un souffle incroyable. Artaud parle d’atomisation, de projection, de jet, de coup. C'est puissant un Van Gogh. La taille du tableau est petite. Étrangement petite. Mais d'une densité. Comme si le peintre avait condensé, inventé un accélérateur d'émotion.
Une percée visuelle afin de faire passer le laser d'un son extrêmement puissant. Je pleure devant un Van Gogh. Et ça me vient du dedans. Voir un Van Gogh, c'est une expérience. Artaud le savait, il entendait le son. La stri-dance du Van Gogh. L'âme de scie, l'âme de fond, larme du torrent d'émotion. Van Gogh est un accélérateur d'émotion, Artaud le transcripteur qui nous permet de reformer en nous un sentiment. C'est un travail d'échange, de partage. Ces deux-là n'ont pas à se dire, à s'écrire, mais à se ressentir dans la matière du même Être.
Il y a matière à ressentir Van Gogh et Artaud. Il n'y a pas une manière de les approcher. Pas de recette venue d'un savoir. Je ne le crois pas. Tous deux ont tenté une expérience au-delà d'un savoir, au-delà de l'acquis. Quelle exploration cérébrale était à l'œuvre ? Le cerveau limbique ? Notre deuxième cerveau ? Celui qui est dévolu aux principaux comportements instinctifs et à la mémoire ? Celui qui permettrait les émotions ? Ce cerveau auquel nous voudrions échapper ? Rendre normatif, logique, donner raison, estampiller la déraison. Et à quel prix ? Au prix de la vie d'un Van Gogh, d'une Claudel, d'un Artaud, d'une Virginia Woolf, d'un Nietzsche, d'un Hemingway, d'un Nerval, et de combien d'autres ? Étaient-ils fous ? Délirants ? Malades ? De leur fait ? De leur art ? De leurs mots ? Ou bien était-ils fous de nous ? Ce que nous nommons dégénérescence serait-ce une régénérescence ? Une réactivation de conscience ?
J'aime Artaud, j'aime van Gogh, et je n'aime pas les fous. Les fous qui enferment les génies parce qu'ils sont nés aveugles et sourds à ce qui vit en eux-mêmes. Et qui à ce titre tuent ce qui se subsiste, vit, germe et grandit en d'autres qui prennent le risque d'atteindre le génie.
Artaud demandait le droit de disposer de son angoisse. Il ne voulait pas être sauvé, être soigné.
Il voulait continuer son voyage. « Il fallut choisir entre renoncer à être un homme ou devenir un aliéné évident ».
Il y a matière à vivre, à ressentir, à construire, à aimer chez Artaud, comme chez van Gogh. Ils ne sont pas insupportables, inqualifiables sans aucun doute, mais ils ont cette capacité incroyable à susciter notre interrogation quant au potentiel de génie qui réside en chacun de nous.
Ils sont facteurs, moteurs, vecteurs, traducteurs. Ils sont l'art, la poésie, ils sont créateurs d'humanité.
Ils ont toujours fait peur aux préfets, aux gardes, aux curés qui ont peut-être inventé La folie pour faire peur à ceux qui pensent t qu'on peut leur échapper.
Astrid Shriqui Garain
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Pour en finir avec le jugement de dieu est la transcription sur papier d'une création radiophonique du poète français Antonin Artaud. Enregistrés en 1947 dans les studios de la radio française, les textes étaient lus par Maria Casarès, Roger Blin, Paule Thévenin et Artaud lui-même qui se chargea également de l'enregistrement des cris, des battements de tambours et de xylophone accompagnant le texte.
Il s'agit d'un essai sur l'homme, l'humain, ses aspirations, ses besoins, ses embûches. C'est notamment dans cette création qu'est introduite l'expression "corps sans organe" qui sera utilisée et popularisée plus tard par les philosophes G. Deleuze et F. Guattari. "L'homme est malade parce qu'il est mal construit. Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement, dieu, et avec dieu ses organes. Car liez-moi si vous voulez, mais il n'y a rien de plus inutile qu'un organe."
Ce texte est à la frontière entre la poésie, la prose et la musique, ou le théâtre. Pour cette raison, je conseillerai d'avantage d'écouter cette oeuvre.
Cependant, la mise en page qui cherche à retranscrire le plus sincèrement possible la lecture, tient du génie. Regarder une page de ce livre, sans la lire, est très agréable. On sort de la poésie classique où tout les vers se terminent au même endroit, ou tout est très droit. Ici, tout part dans tous les sens. Mais ce n'est qu'à travers ce "grand n'importe quoi" que l'on peut réellement comprendre le texte.
Quand au contenu, Antonin Artaud n'y va pas de main morte, et ça fait du bien. Le langage est sincère et cru, cru mais vrai. "Là où ça sent la merde ça sent l'être."
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"l'eschare d'écorché"
le simple motif d'un bougeoir allumé sur un fauteuil de paille au châssis violacé en dit beaucoup plus sous la main de van Gogh que toute la série des tragédies grecques !
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Dans la première partie, Antonin Artaud se concentre sur l'histoire familiale d'Héliogabale, et le "berceau de sperme" dans lequel il a été conçu. Dans la seconde, il se lance dans des théories théologico-philosophiques bien fumées sur l'opposition éternelle du principe féminin et du principe masculin en religion, par lequel il explique l'ambiguité sexuelle d'Heliogabale. Dans la dernière partie, enfin, la plus longue, il raconte la vie d'Heliogabale, et interprête certains des actes les plus subversifs de son règne à la lueur d'une idée personnelle de "l'anarchie", lui vouant apparemment une grande admiration.
Selon un paradigme moderne, Heliogabale était probablement une femme transexuelle, mais pas selon le paradigme standard dans les années 30, époque de l'écriture, ni dans les opinions très différentes d'Artaud.
Je ne suis pas toujours d'accord avec cet auteur - en fait, rarement - mais paradoxalement j'adore observer ses idées, la façon fulgurante dont il les lance, son langage. La recherche qu'il a faite est aussi très intéressante, et me donne envie de lire les biographies qu'il fustige parce que seulement portées sur l'anecdote. Avec ne telle personnalité, même des anecdotes sur Heliogabale seraient intéressantes.
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